Les institutions internationales ne l’entendent pas ainsi…

À la suite de la crise énergétique dans l’UE, on se serait attendu à un rappel à l’ordre de la part des organes qui devraient normalement s’occuper de la prospérité de ce continent. L’histoire a montré que la prospérité est déterminée par la consommation d’énergie. Il en va de même pour l’espérance de vie à la naissance et la qualité de vie telle que mesurée par le paramètre IDH. Mais non, ce n’est pas le cas, les organisations internationales et leurs agences qui dirigent le monde continuent d’exiger que l’Afrique donne la priorité à la lutte contre le changement climatique.

Le 27 juillet à Washington, la Banque africaine de développement et le Atlantic Council ont à nouveau plaidé en ce sens. Un responsable de l’Agence américaine pour le développement international a rappelé que les États-Unis de Joe Biden s’étaient engagés à soutenir les investissements dans les énergies renouvelables. Lors de cet événement, l’ancienne secrétaire d’État française Rama Yade, qui s’est reconvertie dans le lobbying pour le développement durable, a ajouté que « se concentrer sur l’Afrique et le changement climatique est devenu primordial ». Tous ces militants internationaux ne cherchent pas à créer de la prospérité, mais à dépenser les 100 milliards par an promis à la COP-21, quel que soit le résultat.

Israël, un exemple pour l’Afrique

Bien qu’il ne soit que géographiquement proche de l’Afrique, il est intéressant de mentionner Israël, un pays à la pointe de l’innovation technologique. Partout en Israël, vous pouvez voir des panneaux solaires sur les toits de tous les bâtiments, mais ils sont utilisés pour produire de l’eau chaude, pas de l’électricité. Dans ce pays de haute technologie, la transition énergétique n’est pas une obsession. Il est vrai qu’une entreprise a tenté de développer un projet commercial de batteries échangeables pour véhicules électriques, mais il a fait rapidement faillite.

En juillet 2022, la ministre de l’Environnement, Tamar Zandberg, a recommandé de suspendre le développement de la production d’énergie éolienne dans le pays. Elle invoque la « contribution négligeable » à la production d’électricité par rapport aux graves conséquences environnementales. Reconnaître que les énergies renouvelables intermittentes et variables sont un gâchis économique et environnemental, comme le fait Israël, est une étape qui ne peut plus être ignorée, en premier lieu par les pays africains. Il est vrai que l’exploitation des champs gaziers Tamar et Léviathan dans la zone économique exclusive du pays lui offre une production d’électricité bien moins chère que celle générée par les éoliennes. C’est un bon exemple à suivre pour l’Afrique.

Vers un changement ?

Le quotidien britannique The Guardian affirme avoir vu un document technique préparé par l’Union africaine qui indique que de nombreux pays africains préparent leur position de négociation à la COP-27 en faveur de l’expansion de la production de combustibles fossiles sur le continent.

Le Guardian, mécontent, rapporte que le document indique que « à court et moyen terme, les combustibles fossiles, en particulier le gaz naturel, devront jouer un rôle crucial dans l’élargissement de l’accès à l’énergie moderne, en plus de l’accélération de l’adoption des énergies renouvelables ». Bien sûr, chaque fois que l’on parle d’énergie, il faut toujours ajouter une périphrase en faveur des énergies renouvelables. Pire, de plus en plus ils mentionnent l’hydrogène comme l’a fait le chancelier allemand au Sénégal en promettant de soutenir le développement de leurs économies de l’hydrogène.

Confrontés à l’urgence énergétique, les riches Européens sont déterminés à brûler plus de gaz. S’ils veulent signer des contrats avec des fournisseurs de gaz qui eux doivent investir pour produire plus de gaz, ceux-ci exigeront que les contrats de fourniture de gaz soient de type « long terme », c’est-à-dire un engagement d’achat pour 10 à 25 ans, selon les négociations afin de pouvoir récupérer leurs investissements. Cela signifie que les pays qui font la leçon aux autres sur la réduction des émissions de CO₂ continueront d’en émettre beaucoup pendant longtemps. Pourquoi les pays pauvres ne seraient-ils pas encouragés à faire le même choix ? Cela ressemble à une hypocrisie évidente, et il ne faut pas s’étonner si certains utilisent cet argument pour dire qu’il s’agit d’une forme de nouveau colonialisme. Il est compréhensible que Muhammadu Buhari, le président du Nigeria, pense que « nos amis européens et américains ne pratiquent pas toujours ce qu’ils prêchent. Nous leur demandons de lever le moratoire qu’ils ont imposé sur les investissements dans les combustibles fossiles en Afrique ».

Les Africains ont-ils réalisé qu’ils peuvent eux aussi bénéficier des mêmes avantages que l’Occident a tirés des combustibles fossiles au cours des 150 dernières années ? Se sont-ils rendu compte que sans les combustibles fossiles vilipendés, les Européens vivraient dans les conditions d’hygiène et de précarité sociale du 19e siècle ? Ils ne doivent pas compter sur les États-Unis ou l’UE pour leur développement. Ils doivent s’appuyer sur l’utilisation d’une énergie bon marché et abondante, à savoir le charbon et le gaz naturel, pour produire l’électricité nécessaire à la modernisation du pays. Plus tard, lorsque les petits réacteurs nucléaires SMR seront commercialement disponibles (peut-être vers 2035), l’Afrique pourra également utiliser l’énergie bon marché et abondante de l’énergie atomique.

Les Africains ont le choix. Ils peuvent suivre les conseils des ONG écologistes et des institutions internationales. Ils peuvent aussi prendre leur avenir en main en s’engageant rapidement et avec détermination dans la voie de l’électrification conventionnelle, car, comme nous l’avons vu, ils consomment onze fois moins d’électricité par habitant que les Européens.

Bien sûr, l’utilisation des combustibles fossiles est une condition nécessaire, mais non suffisante pour résoudre la pauvreté en Afrique. Cependant, il est illusoire de penser le développement du continent africain sans électricité abondante et non intermittente. L’urgence est d’électrifier le continent en tenant compte des ressources en gaz naturel, en charbon et aussi en hydroélectricité ; l’Afrique doit abandonner l’illusion des énergies renouvelables intermittentes que nous, Européens, n’avons pas réussi à développer après 49 ans d’efforts. Les Africains ont leur destin entre leurs mains.

(*) Professeur en géopolitique de l’énergie à l’Université Libre de Bruxelles, docteur en Sciences appliquées (ULB), ingénieur polytechnicien (ULB) et Président de la Société Européenne des Ingénieurs et Industriels
Samuel Furfari*

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