Sénégal, quand Nestlé se sucre dans l’indifférence

‘’La pauvreté est la pire forme de violence’’, disait Mahatma Gandhi, figure de la résistance en Inde. Cette affirmation se confirme presque tous les jours dans les relations notamment économiques entre l’Afrique et l’Occident. En effet, l’Ong suisse Public Eye a publié mi-avril une étude qui révèle que Nestlé, le géant suisse de l’agroalimentaire, a ajouté du sucre dans les produits destinés aux pays pauvres comme le Sénégal. « Comment Nestlé rend les enfants accros au sucre dans les pays à revenus plus faibles » est le titre du document.
 
Pourtant, ajoute l’enquête, ces produits sont sans sucre en Occident parce qu’interdit par la législation du fait que cet ajout est dangereux pour la santé des enfants. Pour le cas du Sénégal, c’est 5,9 g qui ont été ajoutés.
 
Mais bizarrement, on dirait que le sujet ne mérite pas un débat. Pour les autorités, les associations de consommateurs comme la majorité de la population, la priorité est ailleurs. A ce jour, aucune autorité, à notre connaissance, ne s’est exprimée sur la question. Ni le ministre de la Santé, ni son collègue du Commerce. Cette révélation devait pourtant amener les nouvelles autorités à convaincre la population que l’Etat considère la qualité de la nourriture comme une priorité absolue. Ça devait aussi être l’occasion d’envoyer un message très fort à toutes ces multinationales qui font leur fortune sur la tombe des Africains.
 
Il suffisait d’une part, qu’un échantillon de ces produits soit prélevé pour des analyses, d’autre part que des responsables de Nestlé soient convoqués par le ministère du Commerce pour explication. Et ce serait un signal à tous ceux qui vendent des produits alimentaires qui peuvent être dangereux pour la santé.
 
Le duo Momar Ndao-Momath Cissé
 
Malheureusement, les Etats africains laissent les Occidentaux faire fortune au détriment de la santé publique. Ensuite, le gouvernement va emprunter des milliards à ces puissances financières pour la prise en charge sanitaire des populations. Ainsi, l’Africain paye pour tomber malade, il emprunte ensuite pour se soigner et revient payer à nouveau la dette et l’intérêt. Quant aux multinationales, elles vont juste invoquer la législation et le tour est joué.
 
Et c’est là qu’il faut s’étonner du silence des associations des consommateurs. Pas un seul mot sur la question. Il est vrai que ceux qui sont avertis n’attendent plus rien du duo Momar Ndao-Momath Cissé. Cette soi-disant Ascosen est dans ce qu’on appelait le ‘’participation responsable’’ des années 80 et qui consiste à accompagner l’Etat. Ici, on pourrait sans doute l’appeler le ‘’consumérisme responsable’’. Il est vrai que le duo n’a aucun intérêt à fâcher l’Etat.
 
Ils sont invités dans presque tous les séminaires : eau, électricité, denrées alimentaires, loyer. Ils sont dans des instances comme le Conseil économique. Momar Ndao s’est même payé le luxe d’être le conseiller du chef de l’Etat tout en prétendant défendre les consommateurs. Résultat : on l’a vu défendre la Senelec contre les usagers.
 
Société civile, presse et universitaires ont failli
 
Dans les pays pauvres comme le Sénégal, les gouvernants peuvent manquer de marge de manœuvre face aux puissances financières. Il revient alors à la société civile de mettre la pression nécessaire pour faire bouger les lignes. Sur ce point, c’est plutôt Sos consommateurs que l’on voit dans une posture assez courageuse. Mais Me Massokhna Kane est moins présent. Il a plutôt des apparitions périodiques.
 
Il faut dire aussi que les Sénégalais sont très difficiles à défendre. Ils sont prêts à se mobiliser pour un homme politique, presque jamais pour  eux-mêmes. Les manifestations pour le coût ou la qualité de la vie sont les moins bien réussies. Les questions qui touchent directement à leur quotidien comme l’eau, l’électricité, les prix des denrées ou le loyer ne les mobilisent guère. Ils en font rarement un débat dans les grands-places et autres lieux de rencontre.
 
Quant aux médias, à peine un papier et la page est tournée. On devait pouvoir compter sur les universitaires, notamment ceux qui évoluent dans la santé pour prendre des initiatives, porter le combat par moment. Hélas, il n’y a que la constitution et les lois qui sont importantes à leurs yeux.
 
Ainsi de part nos attitudes, de l’Etat au citoyen lambda en passant par la société civile, la presse et les universitaires, nous montrons tous les jours à ces multinationales avides de profit qu’elles peuvent agir en toute impunité, mais aussi en toute tranquillité. Car pour nous, la qualité du manger n’est pas importante, dès lors qu’il y a de quoi remplir le ventre. La priorité est ailleurs, généralement dans la futilité : la ligue européenne des champions, le mariage d’une célébrité ou alors le silence ou le bavardage d’un homme politique.

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