LE « PRÉSENT » NUMÉRIQUE DE LA SANTÉ (Par Dr Ibrahima Khaliloulah Dia)

Dans le cadre de sa politique de communication, la Cellule de la Carte sanitaire et sociale, de la Santé digitale et de l’Observatoire de la Santé (CSSDOS), rattachée au Secrétariat général du Ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS), chargée de la digitalisation de la santé, compte publier régulièrement des notes d’informations destinées aux usagers. 
 
Nous n’allons pas parler des 324 mille followers (suiveurs) retrouvés par le Maire de Dakar Monsieur Barthélémy DIAS et de la Semaine du Numérique brillamment lancée ce mardi 16 mai 2023. Ces sujets sont certes attrayants, mais nous vous invitons plutôt à parler de l’avenir de la santé dans le sillage dissipant de la pandémie de la Covid19, qui a fini d’éprouver les systèmes de santé du Monde. Elle a engendré une évaluation froide de nos capacités d’adaptation, de résilience et de réactions rapides. 
 
Malgré notre grande tradition dans la planification, la vaccination et la formation en santé, nous avons constaté des défis dont la prise en charge a commencé durant les moments les plus critiques de la pandémie et se poursuit encore aujourd’hui. La « guerre des masques et des vaccins » et la disponibilité continue du zinc, de l’oxygène et du paracétamol entre autres ont été bien gérées. La prise en charge et les services d’aide au diagnostic (laboratoires et imagerie médicale) ont été renforcés dans toutes les régions du pays. 
 
Les défis majeurs actuels qui restent à relever sont la centralisation des données des patients et la continuité permanente des consultations médicales. Pourtant, la solution est à portée de main. La transformation numérique de la santé est le processus d’introduction progressive, durable et réglementée des technologies et plateformes numériques dans le système de santé pour renforcer les performances.  
 
DIGITALISATION DE LA SANTÉ AU NIVEAU MONDIAL
 
Au niveau mondial, les puissances économiques ont fini d’affûter leurs armes et de renforcer leurs stocks en minutions dans la guerre du « numérique » ou des données qui les oppose. L’interdiction de l’application chinoise Tik Tok dans les environnements de travail renseigne sur l’intérêt que suscite ce domaine, qui devra être géré par nos pays africains en même temps que l’accès à l’énergie, à l’eau et à la santé. Les thérapies digitales produites par des applications telles que Moovcare, diabeloop et OdySight, continuent à entrer dans la gamme des soins à rembourser par la sécurité sociale en France. 
 
En termes de gouvernance électronique de la santé, plusieurs formes sont déclinées selon les pays. En France, trois entités assurent cette gouvernance (délégation du numérique en santé, agence du numérique en santé et guichet National Innovation et Usage e-Santé G_NIUS) ; au Mali, une agence d’exécution est créée depuis 2013 ; en République démocratique du Congo, l’agence de santé digitale a été remplacée par un établissement public ; et enfin au Canada, c’est une structure privée (inforoute) qui est mise en place. Ces deux derniers modes de gouvernance renseignent sur le caractère marchand des services numériques de santé (possibilité de facturation de certains services numériques à la longue) qu’il faudrait analyser. 
 
En Afrique de l’Est, une mutualisation dans l’hébergement des données de santé est envisagée par les États. Le Gabon s’est lancé depuis trois ans dans la digitalisation à grande échelle de son système de santé, en raison de la raréfaction de ses ressources pétrolières ; et a bénéficié, dans ce cadre, d’un crédit consenti auprès de la Banque Mondiale. 
 
DIGITALISATION DE LA SANTE AU SENEGAL 
 
Pour revenir au Sénégal, il faut d’abord féliciter Monsieur le Président de la République et le Gouvernement à travers le Ministre de la Santé et de l’Action sociale pour avoir accepté de sortir des sentiers battus en demandant un crédit de 50 millions de dollars USD pour la transformation numérique de la santé, sujet, réputé complexe. 
 
En effet, le Ministre des Finances et du Budget (MFB) a signé, ce 06 avril 2023, un accord de financement avec la Banque Mondiale pour la réalisation du Projet d’Accélération de l’Économie numérique du Sénégal (PAENS) d’un montant de 150 millions de dollars USD dont les 50 millions sont destinés à la santé digitale. L’avantage du prêt par rapport au financement par le budget de l’État réside dans la disponibilité continue des fonds, sans risque de coupes budgétaires, pour mettre en œuvre tout le programme établi. 
 
Le financement du Programme de Digitalisation du Système de Santé (PDSS) 2023-2027, à travers le PAENS, doit délivrer, au minimum, plus d’un million cinq cent mille (1 500 000) dossiers patients partageables actifs et sécurisés respectant la réglementation en vigueur.

 
Cependant, il faut noter que le financement seul ne garantit pas la réussite d’un projet de transformation numérique dans la mesure où, la réorganisation de notre manière d’accueillir, de soigner et de suivre le patient est indispensable ; d’où la mise en place d’une bonne politique de conduite de changement, portée par une gouvernance électronique améliorée. 
 
Ainsi, le PDSS n’a pas comme finalité de renforcer les équipements informatiques ou la bande passante dans les structures de santé, qui, du reste, constituent des intrants importants et d’ailleurs bien pris en compte. Il vise plutôt à délivrer aux usagers, des services numériques de santé améliorant la qualité et la sécurité des soins dont la conversion des données médicales en version digitalisée, la dématérialisation des bilans, la création et l’affectation d’un espace de stockage, la délivrance de consultations et radiographies à distance, … Pour les chercheurs et les laboratoires, le principe d’Opendata « encadré » est déjà annoncé dans les projets de textes juridiques en cours de finalisation. Pour le secteur privé numérique, nous précisons que la majeure partie du financement acquis sera réinjectée dans l’économie nationale à travers des marchés publics pour l’acquisition des systèmes de santé numérique. Pour les établissements de santé, une possibilité d’autofinancement inattendue s’offre à eux. En Europe, les hôpitaux exigent des soignants de faire des publications scientifiques selon une périodicité, ce qui leur permet d’engranger des ressources. Pour le niveau central du MSAS, les API (interface de programmation d’application) qui seront mises en place permettront d’auto financer le fonctionnement de la CSSDOS et de renforcer les équipements des structures de santé championnes dans l’utilisation des systèmes d’information. 
 
En somme, la digitalisation apporte le « détail » améliorant davantage les relations soignant/soigné et qui pourra satisfaire l’usager notamment l’écoute, l’attention, les « petits soins », la belle expérience du parcours de soins, le gain de temps, la sensation d’être mieux suivi. 
Dr Ibrahima Khaliloulah DIA
Géographe de la Santé et expert en informatique de santé
Coordonnateur de la Cellule de la Carte sanitaire et sociale,
de la Santé digitale et de l’Observatoire de la Santé (CSSDOS) 
Ministère de la Santé et de l’Action sociale 

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