Fermetures et regroupement de lycées à Paris : «Des usines à gaz qui ne feront que renforcer les inégalités scolaires»
«La région s’en fout complètement de nous.» Cette phrase, lâchée par une professeure, résume à elle seule l’état d’esprit des troupes concernées par la fermeture de neuf lycées parisiens d’ici à 2024. Les équipes pédagogiques, les élèves et leurs parents se battent contre cette décision à coups de pétitions, de rassemblements, d’assemblées générales ou d’occupations. Un meeting public est organisé ce jeudi en fin d’après-midi à l’appel d’une intersyndicale parisienne (CGT, CNT, FO, FSU, AD et SUD) dans la mairie du XXe arrondissement pour «faire fléchir» Valérie Pécresse, présidente Les Républicains du conseil régional d’Ile-de-France.
Le 8 novembre, la région et le rectorat de Paris ont confirmé la rumeur qui courait depuis quelques semaines : sept lycées fermeront totalement ou partiellement leurs portes à la rentrée 2023. Brassaï dans le XVe arrondissement, Armand-Carrel dans le XIXe, le site de Charenton de Théophile-Gautier dans le XIIe, le site Friant de Lucas-de-Nehou dans le XIXe, Suzanne-Valadon dans les XVIIIe et Charles-de-Gaulle dans le XXe et Georges-Brassens dans le XIXe. Deux autres lycées, Jacques-Monod dans le Ve et François-Rabelais dans le XVIIIe, fermeront aussi en 2024. Motifs invoqués : la vétusté et la démographie scolaire en baisse. Des arguments balayés par les lycées visés.
«Ce ne sont pas des numéros»
Sur le papier, neuf lycées fermés d’un coup en deux ans, cela paraît beaucoup. «Du jamais vu», même, avancent professeurs et responsables syndicaux. Les structures concernées ont de petits effectifs, relativise Valérie Pécresse, qui a sorti la calculette : cette «restructuration» ne concerne en 2023 «que 780 lycéens, soit 1,6 % des effectifs» des 46 000 élèves parisiens. Si ces lycées n’ont pas beaucoup d’élèves, c’est pour une bonne raison. Parmi les neuf établissements bientôt fermés, sept sont des lycées professionnels situés dans des quartiers populaires qui abritent en grande majorité des jeunes de milieux défavorisés et en décrochage scolaire. Ils accueillent peu d’élèves pour mieux les encadrer. «On récupère des jeunes brisés par le système, éclaire Graziella Annoni, professeure de commerce depuis dix ans au lycée Suzanne-Valadon, dans le XVIIIe, qui forme de futurs vendeurs ou commerciaux. Ils ont eu un parcours chaotique avec l’école et leur orientation dans la voie professionnelle est plus souvent subie que choisie.»
Valadon est un petit lycée familial avec 24 profs pour 216 élèves qui ne sont pas plus de 24 par classe, comme dans tous les lycées professionnels parisiens. Daniel (1), assistant d’éducation, connaît les prénoms de tous les élèves : «Ce ne sont pas des numéros. Derrière les chiffres annoncés par la région, il y a des jeunes écorchés par la vie qui ont besoin de nous pour avancer dans leur scolarité. Je suis très proche d’eux, je les aide dans toutes leurs démarches.» Un accompagnement sur-mesure qui plaît à Julien. Cet élève de première s’en sort bien aujourd’hui, avec 15 de moyenne : «Tous ceux qui nous encadrent nous connaissent très bien. Si on a besoin d’eux ils sont là, ils ont du temps à nous accorder. T’es plus rassuré, plus en confiance comme ça.»