À Sédhiou, la viande hors de prix

 Il n’est plus donné aux petites bourses de se payer le luxe de consommer de la viande. Le prix de cette denrée animale connaît une hausse vertigineuse. Au marché central de Sédhiou, le prix de la viande de bœuf sans os est à 4500 F CFA. Le kg de viande dit ordinaire ( avec des os) est à 4.000/ F et le kg d’oignon se vend à 1.000 F chez les boutiquiers. 
 
Pour la viande ovine et caprine, il faut débourser entre 6.500 et 7.000 pour un kilogramme.

Awa Touré, restauratrice établie derrière la grande mosquée n’a plus le cœur à l’ouvrage :  “Nous vendons pour vendre. Il n’est plus possible de faire des bénéfices avec ces hausses. Si nous divisons le kg de viande en quatre parties, à revendre à 1500 francs avec tous les accompagnants, nous n’obtenons que 6.000 francs. Donc des pertes en lieu et place de bénéfices”.
 
Heureusement, dit-elle, certains clients ne préfèrent plus la viande de bœuf la nuit. “Nous essayons tant bien que mal de nous rattraper avec la viande de poulet et le poisson qui coûte cher aussi”, renseigne-t-elle.
 
Pour Awa Touré, le métier de restauration ne nourrit plus. Il est difficile avoue-t-elle de satisfaire les clients et de faire des bénéfices avec ces hausses continues.
 
Moussa Niang, boucher établi au marché central en face de la Banque agricole impute la cherté de la viande aux éleveurs : “Nous allons jusqu’à Sare Yoba, dans le département de Kolda pour chercher des bœufs. Il nous faut débourser entre 350 et 400. 000 francs pour obtenir un bovin de 100 kg environ. Ensuite, il faut faire face au transport de la bête vers l’abattoir de Sédhiou. La bête, une fois abattue, la viande est acheminée au marché avec les frais de transport. Si nous n’arrivons pas à tout vendre le même jour, les pertes commencent”. 
 
A en croire Moussa Niang, la viande fraîche pèse plus lourd que la viande conservée. C’est pourquoi, explique-t-il, après deux ou trois jours de conservation, le poids peut chuter de 15 kg. “C’est pour ces raisons multiples que la viande ne peut pas baisser”, confie-t-il avant de demander au vétérinaire d’être à l’abattoir plus tôt pour leur permettre d’exposer leurs marchandises avant huit heures : “Si les femmes qui doivent aller au travail ne trouvent personne sur les étales de viande, elles se tournent vers le poisson et cela retardent l’évacuation de notre marchandise”.
 
Des raisons balayées d’un revers de main par Yéro Diao, éleveur basé à Tankon, dans le département de Bounkiling : “La cherté de la viande à Sédhiou s’explique du fait que Sédhiou est la seule capitale régionale qui n’ait pas de foirail. A Kolda, le kilogramme de viande est à 3.000 francs”. Et d’expliquer :  “Les bouchers de Sédhiou ciblent des éleveurs pour acheter quatre ou cinq bœufs. Les deux sont condamnés à tomber d’accord puisque aucun n’a intérêt à ce que les marchandages échouent. Le boucher n’a pas de choix puisqu’il n’y a pas un autre éleveur à côté. L’éleveur, de son côté, n’a également pas de choix puisqu’il peut ne pas trouver un autre boucher de sitôt”.
 
 
C’est pourquoi, Yéro Diao pense que seul un foirail peut réguler le prix de la viande à Sédhiou. Il estime que dans un foirail, le boucher conclut avec le plus offrant face à une diversité d’offres. L’éleveur, par crainte de mévente, se plie à son tour aux prix des bouchers. C’est cette concurrence qui, à en croire Yero Diao, peut fléchir les prix.
 
 
A ces raisons, s’ajoutent les razzias sur le bétail. Le Balantacounda, qui, jadis, était une zone pastorale avec d’énormes vagues de troupeaux de bovins, d’ovins et de caprins, n’a plus la moindre bête à cause des vols de bétails. Sédhiou perd ainsi son statut de région pastorale pour celui de région horticole et arboricole.

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