Pourquoi l’Assemblée générale de l’ONU doit soutenir le droit à un environnement sain

Fin juillet, l’Assemblée générale des Nations Unies, l’organe le plus représentatif de l’Organisation qui compte l’ensemble de ses 193 membres, doit voter sur un projet de résolution reconnaissant le droit des êtres humains à un environnement propre, sain et durable.

Le projet de texte a été présenté par le Costa Rica, les Maldives, le Maroc, la Slovénie et la Suisse, à l’Assemblée en juin dernier, suite à l’adoption d’un texte similaire par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU en octobre 2021.

La résolution reconnaît le droit à un environnement propre, sain et durable en tant que « droit de l’homme » essentiel à la pleine jouissance de tous les droits de l’homme. Elle appelle, entre autres, les États et les organisations internationales à adopter des politiques et à intensifier leurs efforts pour garantir un environnement propre, sain et durable pour tous.

Mais pourquoi est-il important que l’ensemble des 193 membres des Nations Unies reconnaissent ce droit ? Que va signifier l’adoption de cette résolution pour les populations du monde entier ? Ce sont là quelques-unes des questions qu’a posé ONU Info lors de son entretien avec le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’environnement, David Boyd.

L'une des plus grandes menaces pour nos océans est la pollution d'origine humaine.
Ocean Image Bank/Thomas Horig
L’une des plus grandes menaces pour nos océans est la pollution d’origine humaine.

Quelle action va être entreprise par l’Assemblée générale ?

David Boyd : Il y aura probablement un vote sur la reconnaissance du droit à un environnement propre, sain et durable. Ce droit n’a pas été inclus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. Il s’agit donc d’une résolution historique qui va changer la nature même du droit international des droits de l’homme.

David Boyd, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme et l'environnement.
Photo ONU/Jean Marc Ferré
David Boyd, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement.

Pourquoi est-il important que les pays votent « oui » à cette résolution ?

C’est important parce que face à la triple crise environnementale à laquelle nous sommes confrontés – le changement climatique rapide, la perte de biodiversité et la pollution toxique omniprésente qui tue 9 millions de personnes chaque année – nous devons transformer la société, nous devons rapidement passer aux énergies renouvelables.

Nous devons également passer à une économie circulaire, et nous devons désintoxiquer la société, et le droit à un environnement sain est l’un des outils les plus puissants dont nous disposons pour demander des comptes aux gouvernements.

Les résolutions de l’Assemblée générale ne sont pas contraignantes, pour autant les pays n’ont pas l’obligation légale de s’y conformer, alors comment pourraient-ils être tenus responsables ?

Les pays n’ont pas d’obligation légale, mais ils ont une obligation morale.

En 2010, l’Assemblée générale a adopté une résolution reconnaissant pour la première fois le droit de chacun à l’eau et à l’assainissement.

Cette résolution n’était pas non plus juridiquement contraignante ou exécutoire, mais elle a été le catalyseur d’une cascade de changements positifs qui ont amélioré la vie de millions de personnes.

En effet, les pays ont réagi à cette résolution en modifiant leurs constitutions, leurs lois les plus élevées et les plus fortes. C’est ce qu’ont fait, entre autres, le Costa Rica, les Fidji, le Mexique, la Slovénie et la Tunisie. Et surtout, les États ont vraiment fait de l’exécution de leurs obligations en matière d’approvisionnement en eau potable une priorité absolue.

Ainsi, [par exemple] au Mexique, le gouvernement a non seulement reconnu ce droit dans sa Constitution, mais a travaillé avec les communautés rurales pour fournir de l’eau potable à plus de 1.000 communautés rurales au cours de la dernière décennie.

Le Canada a également travaillé avec les communautés autochtones pour améliorer les infrastructures d’eau et d’assainissement dans plus de 130 communautés au cours de la dernière décennie.

Ces résolutions peuvent donc sembler abstraites, mais elles sont un catalyseur pour l’action et elles donnent aux gens ordinaires le pouvoir de demander des comptes à leurs gouvernements d’une manière très puissante.

La région de l'Amazonie, au Brésil.
© CIAT/Neil Palmer
La région de l’Amazonie, au Brésil.

Le Conseil des droits de l’homme a adopté le droit à un environnement sain l’année dernière. Avez-vous constaté des changements au niveau national depuis lors ?

Je pense qu’il y a eu des évolutions positives. Il est certain que l’on parle plus que jamais du droit à un environnement sain.

Certains pays commencent à l’intégrer dans leur système juridique et des quantités de personnes à la base utilisent ce droit pour faire valoir que leur gouvernement devrait prendre des mesures plus énergiques en faveur du climat, de la qualité de l’air et de la biodiversité et des écosystèmes.

L’effet ne se fait pas sentir du jour au lendemain, mais nous commençons déjà à en voir les premiers dividendes.

Quel est votre appel aux pays avant le vote ?

L’idéal serait que tous les pays du monde co-parrainent cette résolution et votent ensuite en sa faveur. Cela montrerait que tous les pays du monde comprennent l’importance d’un environnement sain pour l’avenir de l’humanité.

Le passage aux énergies renouvelables pourrait éviter 4 à 7 millions de décès dus à la pollution atmosphérique chaque année dans le monde.
© Unsplash
Le passage aux énergies renouvelables pourrait éviter 4 à 7 millions de décès dus à la pollution atmosphérique chaque année dans le monde.

Un pays voterait-il « non » ? La mise en œuvre de cette résolution pose-t-elle des problèmes ?

Les pays ont des défis différents. Ainsi, certains pays ont une vision très conservatrice des droits de l’homme.

D’autres pays, qui sont de grands producteurs de pétrole et de gaz, ont peut-être des craintes quant aux implications de la reconnaissance de ce droit.

Pourquoi le droit à un environnement sain devrait-il être reconnu comme un droit humain universel ?

La vie de tant de personnes sur cette planète est affectée par la crise climatique et la dégradation de l’environnement. Des milliards de personnes respirent aujourd’hui un air si pollué qu’il va réduire leur espérance de vie de plusieurs années.

Des milliards de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à l’eau potable ou à une quantité suffisante d’eau. Des milliards de personnes dans le monde ne mangent pas des aliments sains et produits de manière durable, et nous souffrons tous du déclin de la biodiversité.

Les gens doivent comprendre que la biodiversité est vraiment le fondement de la vie sur cette planète. Sans les plantes et les arbres qui produisent de l’oxygène, nous ne pourrions pas respirer. Sans les écosystèmes qui filtrent l’eau, nous aurions de très gros problèmes.

Et la réalité est que nous avons besoin d’un climat sûr et vivable pour nous épanouir en tant qu’êtres humains.

C’est pourquoi ce droit est d’une importance capitale. Depuis des décennies, les gouvernements promettent de nettoyer l’environnement et de faire face à l’urgence climatique, mais le droit à un environnement sain change la perspective des gens : ils ne supplient plus les gouvernements d’agir, ils exigent.

Que ferez-vous si la résolution est adoptée ?

Oh ! je sauterai de joie. Je serai tellement heureux et absolument ravi de la façon dont cela va augmenter et améliorer la qualité de vie des gens sur toute la planète.

Une femme avec un parapluie marche sous la pluie dans un champ
OMM
Une femme avec un parapluie marche sous la pluie dans un champ

Un appel au sein des Nations Unies

D’autres experts et Rapporteurs spéciaux des Nations Unies, la cheffe du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Inger Andersen, ainsi que la Haute-commissaire aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, ont exprimé leur soutien à la reconnaissance du droit à un environnement sain au cours des derniers mois.

En juin dernier, les résultats de la conférence Stockholm+50 recommandaient également aux États de « reconnaître et mettre en œuvre le droit à un environnement propre, sain et durable ».

Cette action figure également parmi les priorités du Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, comme en témoignent Notre programme commun et l’Appel à l’action pour les droits de l’homme.

NOTE :

Les Rapporteurs spéciaux des Nations unies, tels que M. Boyd, sont chargés de mandats thématiques ou nationaux spécifiques par le Conseil des droits de l’homme, dont le siège est à Genève, où ils rendent compte de leurs missions d’enquête ou de surveillance, généralement lors de l’une des trois sessions ordinaires annuelles du forum. Les postes d’experts au sein de la section des procédures spéciales du Conseil sont honorifiques et leurs titulaires ne sont pas rémunérés pour leur travail.

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