Pap Ndiaye veut relancer l’éducation à la sexualité
Le ministre de l’Education, Pap Ndiaye, l’a affirmé clairement: il veut remettre ce sujet sur la table. « La loi de 2001 nous enjoint de façon très claire de parler d’éducation à la sexualité », a-t-il expliqué cette semaine sur franceinfo.
« Nous devons respecter la loi », a ajouté le ministre, citant un rapport de l’Inspection générale de l’Education, qui devrait être publié la semaine prochaine et qui montre « qu’il y a de grandes variations selon les écoles, selon les classes, selon les territoires ».
Pour « aider les enseignants à se saisir du sujet », le ministère travaille à « des documents d’accompagnement » qui devraient sortir dans les jours qui suivent, et compte en parallèle organiser des réunions de concertation « pour essayer de voir ce qu’il manque aux équipes éducatives », indique-t-on dans l’entourage du ministre.
Car la loi de 2001 prévoit qu' »une information et une éducation à la sexualité soient dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles ». Mais elle reste peu appliquée depuis vingt ans.
Une enquête publiée en début d’année par le collectif féministe #NousToutes auprès de plus de 10.000 personnes le montre encore: les répondants disent n’avoir bénéficié « en moyenne que de 13% » du nombre de séances prévues, soit 2,7 au lieu de 21 sur l’ensemble de la scolarité.
Dans une note publiée fin août, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a, lui, exhorté les pouvoirs publics à « faire de l’éducation à l’égalité et au respect entre les femmes et les hommes dès le plus jeune âge une priorité absolue », regrettant que l’Education nationale ne soit « pas au rendez-vous ».
« urgence »
« Lutter contre l’ignorance et l’envahissement de la pornographie dans les sphères adolescentes ou même les plus jeunes, c’est une urgence. Si on ne fait rien, on prépare les violences et féminicides de demain », a souligné encore cette semaine la présidente du HCE Sylvie Pierre-Brossolette.
Pour Pap Ndiaye, il est nécessaire d’améliorer la situation « à la fois pour des objectifs de santé publique – faire reculer les grossesses précoces par exemple, ou bien lutter contre les maladies sexuellement transmissibles- et des objectifs plus généraux », liés aux discriminations ou à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
Dans ses « conclusions intermédiaires » publiées en mars, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) soulignait aussi que les séances prévues par la loi étaient « incontournables », à la fois comme « outil de prévention » et « de repérage » des violences.
Elles sont une « nécessité » face notamment « aux signaux d’alerte dans la société en général, en particulier sur l’impact de l’accès direct de nos jeunes à la pornographie », estime également Stéphane Crochet, secrétaire général du syndicat enseignant SE Unsa.
Pour lui, ce sujet « doit être traité avec détermination » mais en veillant « à ce que ça ne se transforme pas en sujet de clivage ».
Car Pap Ndiaye est sur le fil avec ce thème hautement inflammable, facilement instrumentalisé par la droite et l’extrême droite. Eric Zemmour a ainsi mis en garde dimanche contre un « grand endoctrinement » des élèves, notamment sur les questions de genre, demandant à ses supporters d’établir un « réseau national de parents vigilants ».
« Ça ne m’intéresse pas », a rétorqué Pap Ndiaye, pour qui « ce sont les propos d’un professionnel de la polémique ». L’éducation à la sexualité « n’a rien à voir avec je ne sais quelle théorie du genre », a-t-il martelé.
Ce sujet reste cependant sensible après la violente polémique autour des « ABCD de l’égalité » en 2014, un dispositif visant à promouvoir l’égalité filles-garçons qui avait dû être été abandonné face aux polémiques. Ses opposants avaient dénoncé une présumée « théorie du genre » qui nierait les différences sexuelles.