Note de lectures – Macky Sall Face à l’Histoire (Par Abdoulaye Khouma)

Passage sous scanner d’un pouvoir africain
 
Cheikh Yerim Seck fait l’éloge du bilan matériel de Macky Sall, critique son passif éthique et brocarde l’homo pastefensis
 
Le livre de de Cheikh Yerim Seck se propose de passer le « passage sous scanner » le pouvoir de Macky Sall. Si on passe le livre sous le scanner d’une lecture attentive, on se rend vite compte qu’il est loin du livre de Abdoulatif Coulibaly « Wade, un opposant au pouvoir, l’alternance piégée ». Le livre de Latif Coulibaly était un véritable livre d’investigations avec des révélations explosives et avait fait tomber le gouvernement alors que celui de Yerim Seck est plutôt une sorte de revue de faits qui ont défrayé la chronique les 10 dernières années et qui va de l’Affaire Petrotim au récent rapport de la cour des comptes sur la gestion des Fonds de Force Covid 19 en passant par les affaires Bigtogo, Arcelor Mittal et Ecotra. Le livre de Latif Coulibaly est entré dans l’histoire alors que celui de Yerim fera du buzz médiatique quelques jours. En droit, on aurait dit qu’il n’y a pas de faits nouveaux car en matière de révélations, il y a vraiment rien de nouveau sous le scanner de Yerim contrairement à ce qu’il annonce dans l’introduction en écrivant à la page 10 « Ce que vous allez lire, ce n’est pas de l’analyse, c’est de l’investigation, de l’enquête en certains points plus policière que journalistique. Les informations qui y sont contenues ont la précision d’une opération laser. Il y a dans chaque page, à chaque chapitre, ce qu’on appelle des « révélations » dans le jargon journalistique de chez nous mais de vraies, celles-ci ». Dans le livre, il y a peu d’investigation à part la « mafia chinoise de la pêche », peu de faits nouveaux mais beaucoup d’opinion. Une opinion personnelle que l’auteur sacralise s’éloignant ainsi de la rigueur journalistique et du relativisme scientifique quand il s’auto glorifie en affirmant à la page 11 « L’historien, le politologue, le chercheur, l’étudiant, le journaliste, l’observateur y trouveront chacun leur compte dans ce qui est à la fois un manuel à la fois d’histoire, de sociologie politique, de journalisme d’investigation, de culture politique, de culture générale ». Rien que ça. Dans cette introduction de 13pages l’auteur nous annonce un Tome 2 qui paraitra en « temps opportun » à la page 12 après nous avoir rassurés à la page 10 « avoir écrit cet ouvrage pour tenter de contribuer à sauver ce pays, non point pour le mettre à terre ». Par contre de façon freudienne, cette introduction est une grosse révélation sur la psychologie de l’auteur qu’on a pas besoin de passer sous scanner car le livre commence par lui « agression de sa femme, la journaliste Astou Dione » et se referme sur lui à la page 255 « Comment la sortie de ce livre va-t-elle être interprété par le microcosme ? » ou « Ecrire un livre signifie-t-il oui ou non revenir à la vie publique ? » Entre ces deux préoccupations privées et personnelles l’auteur avec les chiffres du Ministère des finances fait l’éloge du bilan matériel et physique du Président Macky Sall dont l’auteur chante la fibre sociale et critique vertement le lourd bilan du passif moral et éthique. A la page 124 Cheikh Yerim Seck affirme « C’est un euphémisme, Macky Sall a réalisé un bon bilan matériel à la tête du Sénégal.  On peut même affirmer sans risque d’être démenti avec des éléments probants que sur ce plan, il a fait plus et mieux que tous ses prédécesseurs ». Le même mot euphémisme reviendra une page après le faire le bilan social du « Le Président le plus social de l’histoire de notre République » à la page P134 avec le PUDC, la CMU, les augmentions de salaires, les bourses familiales. Une fibre sociale que l’auteur explique à la page 125 par « Son extraction modeste qui l’a très tôt mis au contact du manque a forgé en lui un leader soucieux des couches vulnérables et autres damnés de la terre ».  Apres l’éloge flatteur, Yerim en vient à la critique féroce avec les chapitres consacrés au « déficit du bilan matériel » où il nous dit à la page 139 « S’il a réalisé des résultats sur le front de l’économie, les chiffres dans leur froideur établissent de façon péremptoire que le PSE n’a pas réalisé l’émergence ». Au-delà de l’impatience, l’auteur est apparemment convaincu que le rendez de 2035 fixé pour l’Emergence ne sera pas tenu. Au Chapitre13 consacré aux « lourds passifs du bilan moral et éthique », Yerim Seck dénonce à la page 146le « coude »du Président sur certains dossiers comme par exemple celui de Sindiely Wade dans la gestion du FESMAN quand le Président n’a pas voulu que les deux enfants de Wade se retrouvent en prison. L’auteur qui dénonce le « coude du Président » qui empêche à Sindjely Wade d’aller à Reubeuss et se scandalise paradoxalement une page après (147) que  « Dans le bilan matériel de Macky Sall figure une première rubrique qui va être déterminante sur le total général, c’est le passif sociologique  lié au relationnel humain avec Abdoulaye Wade ». N’eut été le coude du Président sur le dossier de Sindjely, le passif aurait été plus lourd avec Wade. Dans ce passif du bilan moral et politique, Yerim dénonce aussi la marginalisation des premiers compagnons de lutte de Macky Sall comme ABC, Harouna Dia, Mbaye Ndiaye, Mor Ngom, Benoit Sambou au profit de transhumants. L’auteur fait par contre une sociologie très interessante du nouveau type de Sénégalais « bâti par Macky Sall » dont le symbole est ce qu’il appelle « l’homo Pastefenis » avant d’ajouter à la page 157 que « L’homopastefensis manque de profondeur historique, de culture politique et d’intelligence sociologique. Il a introduit dans le jeu politique, l’irrévérence, l’invective et l’insulte voire la violence… Les insulteurs du Web qui sont quasiment tous de Pastef ont réussi à terroriser les têtes pensantes, les valeurs sures de la société civile et même certains politiciens poltrons. La hantise d’être trainée dans la boue les dissuade de participer du débat. Dans la tête de l’homopastefensis, le monde est divisé entre les biens qui soutiennent qui soutiennent Sonko et les méchants qui ne le soutiennent pas ». Il faut reconnaitre à l’auteur la constance de son courage dans la dénonciation de l’homo pastefensis depuis de début. Le chapitre 16 suivant est consacré au gourou de l’Homo pastefensis Ousmane Sonko. Par contre c’est une véritable révélation quand Yerim nous apprend que le Président Sall qui était au courant des frasques sexuelles de son opposant s’est toujours opposé à ce que ses partisans l’utilisent à des fins politiques. L’auteur dit sans ambages à la page 179 « On peut même dire que le Président de la République n’a jamais voulu attaquer son plus virulent opposant au bas de la ceinture. Deux évènements permettent de le prouver ». Dans le premier cas,Sonko a été surpris la nuit avec une Gambienne dans sa voiture sur la Corniche dans une position indélicate avant qu’en très haut lieu on exige qu’on le laisse partir. Le deuxième cas est une histoire de mœurs au Maroc avant l’affaire Adji Sarr où l’auteur condamne Sonko sans appel à la page 180 « Ne doit-on si veut parler vrai lui dire de regarder en face sa propre responsabilité pour être sorti masqué, sans chauffeur, sans garde du corps, une nuit de couvre-feu pour se retrouver dans un endroit où il n’y a que du massage de plaisance. L’argument de la douleur lombaire ne trompe personne ». La condamnation sera plus nuancée pour Pape Ale Niang qui a « accumulé des erreurs » et a trop souvent au cours des dernières années confondu journalisme et activisme pro-opposition » lit-on à la Page 185 avant d’ajouter à la page 186 « Il n’existe pas au Sénégal d’entrave à la liberté d’expression. Tout au contraire, il existe dans ce pays un libertinage d’expression et de presse et « Le cas Pape Ale est venu brutalement rappeler qu’il ya des limites. Et que par exemple l’article 5 du code la presse interdit au journaliste de déflorer le secret défense, le secret d’instruction et le secret des enquêtes ». Enfin un journaliste qui sort de l’instinct grégaire du corporatisme pour retrouver le bon sens a-t-on envie de dire. Le reste du livre est consacré à la « délicate question Mimi Toure », au « problème Amadou Ba » et à la troisième candidature.Yerim nous apprend qu’avant la victoire de 2012, Mimi Toure n’était pas militante mais plutôt consultante payée par Macky Sall qui en fera son Ministre de la Justice, Premier Ministre, Présidente du CESE, alors qu’elle n’a jamais gagné nulle part même pas le quartier de Grand Yoff quand elle était Premier Ministre avant de faire le plus mauvais résultat pour des législatives pour un parti au pouvoir. Amadou Ba est un problème parce que les relations sont complexes avec le Président « Tantôt réunis, tantôt séparés, tantôt collaborateurs proches, tantôt éloignés par un décret, ces deux hommes qui ne s’aiment pas et ne se font pas mutuellement confiance, font chacun de son coté des efforts nécessaires pour ne pas atteindre le point de rupture » lit-on à la page P207.  Sur la question de la 3e candidature, Cheikh Yerim affirme à la page 216 « En Aout 2020, Macky Sall a dans le plus secret écrit au Conseil Constitutionnel pour lui poser cette question : « au regard de notre constitution, puis je briguer la candidature à la Présidence de la République ? Le conseil lui a répondu en substance : « Oui vous pouvez ». Cependant l’auteur n’apporte aucune preuve de cette affirmation. Comme lorsqu’il affirme à la page 74 « qu’une requête formulée par Moussa Bocar Thiam, alors agent judiciaire de l’Etat transmise par le cabinet conseil parisien, la partie sénégalaise a demandé que la partie qui tranche l’affaire soit constitué sans … juge de sexe féminin ». Aucune preuve, aucun document ne vient étayer l’affirmation. C’est ce qui différencie fondamentalement son livre de celui de Abdoulatif Coulibaly sur Wade où la charge était accablante mais avec des preuves irréfutables. Si la question de la 3e candidature est aujourd’hui au centre du débat, pour la politique extérieure de Macky Sall, il n’y a pas de débat possible  car  à la page 227  l’auteur tranche le débat « S’il y a un seul domaine dans lequel l’action de Macky Sall sera  distingué par son efficacité c’est bien celui de la politique étrangère » et donne l’exemple de la Gambie à la page 228  « Macky Sall a réglé le problème Yaya Jammeh de façon chirurgicale » avec Un travail diplomatique et militaire minutieux mené de main de maitre » et  à la page 231 que « Rien que pour le Pont de Farafegny après 4 décennies d’un irrédentisme nationalitaire cultive par l’isolement géographique, valait la peine d’élire Macky Sall en 2012 ». Il en arrive à la même conclusion pour la Guinée Bissau en disant la page 235 « Dans les cas de la Gambie et de la Guinée Bissau, il a réalisé des succès exceptionnels ». Des succès exceptionnels qui seront au rendez-vous dans l’avenir à condition selon l’auteur que le Sénégal réalise trois préalables « L’exploitation optimale du pétrole et du gaz, la transformation numérique et digitale et une répartition équitable des ressources issues des énergies fossiles » P237. Ce sont des préalables pour « permettre au Sénégal d’entrer dans l’ère pétrolière et gazière en ressemblant plus au Qatar qu’au Gabon »écrit il à la page 248. Dans la conclusion l’auteur rappelle un des plus grands succès de Macky Sall en dehors du bilan physique et matériel : la paix en Casamance où « où sévissait une rébellion armée depuis 1982, il a réussi la prouesse de faire taire les armes et de réduire un irrédentisme quarantenaire en une simple nuisance sécuritaire en extinction » explique-t-il à  la page 249 avant de nous inviter à faire un choix à la page 254  « entre democratie sous développée, une dictature éclairée créatrice de progrès. » Son choix est clair car pour lui « Mieux vaut une dictature qui développe qu’a une democratie qui maintient dans le sous-développement » P254. Vaste débat qui mérite un Tome 2 dont on nous annonce dans l’introduction qu’il viendra au « moment opportun ». Les desseins de la Providence sont impénétrables. Ceux de Cheikh Yerim Seck aussi.

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