Mali: le projet de nouvelle Constitution renforce le pouvoir du président
Le projet de nouvelle Constitution malienne renforce considérablement les pouvoirs du président qui prendra en 2024 la tête de ce pays en proie à une crise profonde si le texte est validé et si les militaires respectent leurs engagements.
Le texte remis mardi au chef de la junte écarte aussi l’hypothèse d’une fédération qui aurait conféré une forte autonomie au nord du pays, théâtre par le passé de rébellions touarègues pour l’indépendance ou pour un statut particulier, a indiqué le président de la commission chargée d’élaborer le texte, Fousseyni Samaké.
Cet « avant-projet » est censé être soumis à référendum en mars 2023. Il est un élément clé du vaste chantier de réformes invoqué par les militaires pour rester jusqu’en 2024.
Les autorités l’ont rendu public mercredi alors que le casting de la présidentielle annoncée pour février 2024 et censée ramener les civils au pouvoir reste à établir. Les interrogations ont cours sur une candidature de l’homme fort du régime et président dit de transition, le colonel Assimi Goïta, malgré un engagement initial pris par la junte à ce que le président de transition ne puisse pas concourir.
L' »avant-projet » n’aborde pas ce point. En revanche, il consolide la position présidentielle.
La Constitution actuelle, datant de 1992, dispose que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ».
Dans la nouvelle Constitution, « le président de la République détermine la politique de la Nation » et le gouvernement conduit la politique de la Nation déterminée par le président ».
Le président nomme le Premier ministre et les ministres et met fin à leurs fonctions. « Le gouvernement est responsable devant le président », et non plus devant l’Assemblée nationale. L’initiative des lois appartient « concurremment » au président et aux membres du Parlement, et non plus au gouvernement et à l’Assemblée nationale.
« Le Parlement ou l’Assemblée ne pourra plus renverser le gouvernement et, en sens inverse, le président de la République ne pourra plus dissoudre l’Assemblée nationale », a dit Fousseyni Samaké.
Les acteurs politiques s’accordent de longue date sur la nécessité d’une réforme constitutionnelle.
L’actuelle Constitution passe pour un facteur de la crise politique que traverse le pays, théâtre de trois coups d’Etat depuis 1991 et cinq depuis l’indépendance. L’instabilité politique amplifie la grave crise sécuritaire en cours depuis 2012 et le déclenchement d’insurrections indépendantistes et salafistes dans le nord du pays.
– » Crime imprescriptible » –
Les groupes armés à dominante touarègue ont signé avec l’Etat en 2015 l’accord de paix dit d’Alger, octroyant plus d’autonomie au nord.
La mise en oeuvre, laborieuse, de cet accord, était l’une des motivations d’une tentative de révision constitutionnelle finalement avortée en 1997.
Une part de la classe politique est foncièrement hostile à une autonomie renforcée du nord.
« Il y a l’affirmation claire du caractère unitaire de l’Etat malien, ce qui suppose qu’il n’est pas question que nous ayons un Etat fédéral », a dit Fousseyni Samaké.
L’organisation du territoire « repose sur les principes de déconcentration et de décentralisation », dit l’avant-projet. Mais le préambule affirme l’engagement à « défendre la souveraineté, l’unité nationale et l’intégrité du territoire » plus explicitement que la Constitution de 1992.
L’affirmation de cette souveraineté et l’union autour des forces armées combattant la propagation jihadiste font partie des cris de ralliement de la junte qui a renversé le pouvoir civil par la force en 2020. Le combat contre la corruption en fait aussi partie. Il fait son entrée dans le préambule. Dans l’avant-projet figure, autre nouveauté, un chapitre dédié aux forces de sécurité.
Nouveauté également: la stipulation que « le mariage est l’union entre un homme et une femme ».
La Constitution de 1992 dit que « la forme républicaine et la laïcité de l’État ainsi que le multipartisme ne peuvent faire l’objet (d’une) révision » constitutionnelle. Les rédacteurs de l’avant-projet ont ajouté l’impossibilité de toucher à la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux, dans un contexte régional où des candidats ont brigué ou pourraient être tentés de briguer un troisième mandat en instrumentalisant la loi fondamentale.
L’avant-projet, rédigé sous une junte deux fois putschiste, énonce que « tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible ».