CITOYENNE DE LA TERRE : Vore Gana Seck, Sénégal De HAROUNA NIANG

Elle fait partie de ces Sénégalaises qui ont décidé bien avant tout le monde de se battre pour des combats qui n’avaient pas encore pris place dans le quotidien des citoyens et des citoyennes du Tiers monde : l’environnement. Elle est aujourd’hui une icône pour les femmes et pour les défenseurs de l’environnement et de l’agriculture durable. Elle, c’est Voré Gana Seck, la directrice de Green Sénégal.

Enfance et études

Voré Gana Seck est née à Bargny, à 20km de Dakar (Sénégal). Très tôt, cette fille d’un enseignant doublé d’un fermier, conseiller du territoire devenu député après l’indépendance du Sénégal, se découvrit une passion pour l’environnement. Quand elle n’avait que 5 ans, son père l’amenait visiter la ferme familiale. La petite Voré apprit à aimer les animaux et la nature et à en prendre soin. Elle fit ses études à Sainte Agnès et à Rufisque (Commune à 13 km de Dakar). Après le lycée de Rufisque, Voré Gana poursuivit ses humanités au lycée Notre Dame de Dakar. Elle obtint son baccalauréat en 1977, puis s’envola pour l’Université catholique de Louvain en Belgique pour des études supérieures en biologie et en agronomie. Elle revint au Sénégal avec son diplôme d’’ingénieure agronome en poche. Après une première expérience professionnelle dans une ONG américaine, Rodale international basée à Thiès qui s’active dans le domaine de l’agriculture organique, Voré Gana Seck obtint une bourse pour faire un master en environnement et en agro business en Arizona. Il s’en suit un tour à l’Université de Glasgow en Écosse.

Green Sénégal : la matérialisation d’un engagement

De retour au pays, Voré, la Lionne, comme la surnomment les femmes victimes de l’érosion côtière, met sur pied Green Sénégal, en l’an 2000., une organisation qui lutte pour la préservation de l’environnement, le développement et la modernisation de l’agriculture et la gestion concertée du littoral. Le projet d’adaptation à l’érosion côtière consiste à former les riverains du littoral à construire des infrastructures pour stopper l’érosion. Déjà à son actif, on peut dénombrer entre autres la digue de protection promenade de Thiawlen (quartier de Rufisque sous la menace de la mer), en collaboration avec le centre de suivi écologique et le ministère de l’environnement, les brise-lames à Saly et la digue anti-sel de Joal. Aussi engagée dans le domaine de l’éducation, Green Sénégal a réussi à réhabiliter des écoles et à les doter de matériel d’assainissement.
Dans un pays ou les notions de gestion et développement durable sont encore des préoccupations secondaires, Voré Gana est décidée à sensibiliser sur les multiples agressions et les énormes préjudices subies par les côtes sénégalaises et leurs conséquences dans le domaine de la pêche, des activités agricoles et sur l’environnement. 718 km de côtes agressées par la montée des eaux et des constructions anarchiques.
Voré Gana explique :

L’environnement c’est toute les questions liées au cadre de vie, à l’économie et aux ressources naturelles de manière générale. Ce n’est pas parce que nous sommes des pays pauvres que nous avons une excuse pour négliger les questions environnementales.

Pour une agriculture durable

L’agriculture occupe environ 70% de la population du Sénégal. Généralement livré à lui-même, le monde rural est l’un des terrains d’interventions privilégié de l’ONG Green Sénégal. La construction d’une usine de riz à Ross-béthio (Nord du Sénégal, à 293 Km de Dakar) et d’une seconde, bientôt fonctionnelle, à Ndioum (Nord du Sénégal, à 430 km de Dakar) entre dans le cadre de son soutien aux producteurs de la vallée du fleuve Sénégal. Avec l’aide de ses partenaires, Green Sénégal mène des projets qui touchent une quarantaine de localités comme Thiénaba, Tivaouane, Touba, Joal-Fadiouth entre autres.
Au moment où les multinationales envahissent de plus en plus le continent africain et achètent des terres, Voré s’indigne contre cette situation qui appauvrit les paysans sénégalais. « Green Sénégal » s’investit alors dans la formation, le soutien et l’aide pour l’accès au financement des agriculteurs sénégalais.

Soutien aux femmes du littoral

Ce n’est pas pur hasard si les conditions des femmes transformatrices des produits halieutiques préoccupent l’environnementaliste. Née d’une famille lébou (ethnie de pêcheur de la presqu’ile du Cap vert), Voré Gana est très sensible aux difficultés que les femmes éprouvent dans un environnement de travail encore archaïque, sous la chaleur et la fumée. Cette situation a poussé l’ONG à aider les transformatrices à bénéficier d’appuis et de formation pour moderniser les méthodes de travail. Green Sénégal travaille à l’hygiène et à la qualité des produits. De ce fait, c’est une dizaine de pêcheries, dans le cadre du réseau des acteurs du littoral, qui bénéficient de l’assistance de l’ONG. Les opérations de Green Sénégal couvrent jusque la zone sud du Sénégal. Pour l’environnementaliste, il s’agit de mettre en place un plaidoyer pour des lois plus justes. « Green sea » assure la formation de plus de 300 personnes du littoral.

Consécration et projets

En décembre 2011, à l’occasion de la nuit des Calebasses de l’excellence Awards, Special event Sénégal décerne à Madame Seck le prix de « l’Agriculture durable » pour saluer le travail abattu pour aider les agriculteurs. Elle est aussi lauréate du Prix Terre de Femmes Afrique qui lui a été décerné au Maroc et qui récompense les initiatives écologiques menées par des femmes. Les efforts de Green Sénégal ont aussi été salués par le prix Oxfam.
Aujourd’hui, Voré est membre du conseil économique social et environnemental du Sénégal dont elle a été la Présidente de la commission environnement. Le Grand Sérigne de Dakar (chef traditionnel de la communauté) a aussi choisi Madame Seck pour présider la commission environnement. Lors des élections locales du 29 juin 2014, Voré Gana décida de se lancer en politique. Depuis, elle est première adjointe au maire de la commune de Bargny.
Voré Gana Seck a porté partout le combat pour la mise en place de l’observatoire du littoral. Elle est convaincue qu’il faut connaitre l’ampleur des dégâts sur le littoral sénégalais et prévoir des sanctions. Ainsi, cette structure devrait permettre une meilleure gestion des côtes sénégalaises par la collecte de données et la surveillance. Selon Voré Gana Seck,

aujourd’hui, avec les fortes houles abattues sur le littoral, on a l’impression qu’on est resté bouche bée face aux catastrophes. C’est pourquoi il urge d’accélérer la mise en place de l’observatoire sur le littoral qui sera un outil de travail avec les chercheurs. Il faut donc aller vite vers cet observatoire, même si les contraintes sont nombreuses. L’observatoire est vraiment une nécessité. Mais il doit être appuyé et accompagné par la loi sur le littoral dont nous ne cessons de plaider le vote.

Ce plaidoyer a été entendu par le gouvernement du Sénégal.
L’engagement de Voré pour l’environnement est aussi salué par les acteurs et actrices de l’environnement du Sénégal et de l’Afrique, si bien qu’elle a été portée à la tête du Congad et est présidente des plateformes d’ONG d’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Voré Gana ne cesse de lutter, aux côtés des différents acteurs de l’environnement et des populations, pour une meilleure gestion des déchets, du littoral, l’assainissement et l’autosuffisance alimentaire. À propos des constructions qui commencent à proliférer aux abords de la mer, Voré Gana est catégorique: « On ne peut pas se lever un beau jour pour construire une maison sur la plage et boucher l’accès à la mer alors que c’est un bien commun. Il faut casser ces édifices érigés sur le domaine du littoral » fustige t-elle.
Dernièrement, elle se consacrait avec la plus grande énergie à une opération dénommée « Sénégal clean » qu’elle a déjà initié dans sa commune de Bargny. Cette action d’envergure vise à créer un élan général, avec les associations sportives et culturelles et les femmes, pour assainir tout le pays pendant un mois. Voré a déjà démarré ce projet avec le curage du canal de Bargny, véritable source de paludisme dans la zone. Un autre projet qui lui tient à cœur, c’est la mise sur pied du mouvement écologique « naatal Sénégal, prospérité, solidarité, développement durable».

Prions pour le repos de son âme !

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