Septembre noir sur les routes : Les chiffres qui illustrent l’hécatombe
Décidément, l’hécatombe sur les routes n’en finit pas. Rien que pour ce mois de septembre, 53 morts ont été officiellement dénombrés dans de terribles accidents de la circulation. Ce, alors qu’une loi sur un nouveau code de la route, adoptée depuis mi-avril, reste à être appliquée à la lettre.
La liste noire des séries d’accidents mortels sur les routes sénégalaises s’allonge. En effet, au total, pas moins de 20 morts ont été dénombrés, en moins de 48h, entre Tambacounda, Kaolack, Mbour et Mbao. Une situation préoccupante qui a poussé le président de la République, Macky Sall, à appeler à « plus de prudence et de responsabilité sur les routes».
Mais, quelques heures seulement après cet appel du chef de l’Etat, un autre accident spectaculaire s’est produit, ce mercredi, entre Keur Mbaye Fall et Mbao, faisant deux morts. Ce qui confirme la dynamique ahurissante notée, depuis le début du mois de septembre. D’ailleurs, lors de l’édition 2022 du Grand Magal, célébrée le 15 septembre dernier, les accidents survenus entre Touba et d’autres villes du pays ont fait plus d’une trentaine de morts et près de mille blessés, selon un bilan de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers (Bnsp).
« Le bilan définitif des opérations de secours effectuées par la Bnsp au Magal 2022, durant la période du 10 au 17 septembre, est de 33 corps sans vie et 906 blessés », a révélé le Lieutenant-colonel Cheikh Tine, porte-parole de la Bnsp. Alors que lors du Magal 2021, « juste » 10 décès et 775 blessés avaient été enregistrés par la Bnsp, a-t-il rappelé.
Par ailleurs, selon l’Agence de presse sénégalaise (Aps), les dernières données de la compagnie de gendarmerie de Kaolack, indiquent que, «231 accidents de la route ayant fait 70 morts et 537 blessés ont été dénombrés sur la route Nationale 1, qui relie Dakar à Tambacounda (est), entre janvier et septembre 2022».
700 morts sur les routes, chaque année
« Avec en moyenne 700 morts chaque année, le nombre de décès, lié aux accidents de la route reste toujours préoccupant au Sénégal. Surtout que ces statistiques ne prennent pas en compte les décès enregistrés au niveau des accidentés qui étaient suivis dans les hôpitaux », a fait savoir Cheikhou Oumar Gaye, le directeur général de l’Agence nationale de sécurité routière (Anaser), en marge d’un Comité régional de développement (Crd) axé sur la sécurité routière tenu, en fin août dernier, à Matam.
Pour le Secrétaire général du ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, il faut des sanctions lourdes contre les conducteurs qui ne respectent pas le Code de la route. Aubin Jules Sagna est, en effet, convaincu que ces derniers sont responsables de 93% des accidents. « La plupart des accidents sont l’œuvre de l’homme. La preuve, mardi, c’est un excès de vitesse qui a provoqué l’accident, mais également les dépassements au niveau des lignes continues. La route est en bon état, il y a les signalisations qui sont très visibles. Donc, la route communique bien avec le conducteur, mais c’est ce dernier qui ne suit pas ce que lui dit la route. Le comportement humain commence à dépasser les limites », a-t-il regretté. Avant de rappeler, dans la foulée, l’adoption, le 15 avril dernier, d’une nouvelle loi sur le nouveau Code de la route, avec de nouveaux outils.
Le permis à points toujours au point mort !
Justement, cette loi n° 22/2022, a apporté de nouvelles dispositions visant à réduire le nombre « trop élevé de décès sur les routes », comme le déclarait le ministre des Transports terrestres, Mansour Faye. Parmi les nouveautés, il y a le permis à points, qui est une façon de s’assurer que le code de la route soit respecté par tous, mais aussi afin de limiter les accidents. Ainsi, en imposant un système à points où les mauvais conducteurs se voient retirer des points au fur et à mesure, trop d’infractions sur une courte durée (contravention ou délit selon la gravité), entraîneront un retrait du permis systématique et épure donc les routes.
Par exemple, l’usage du téléphone au volant, un excès de vitesse, la conduite avec une alcoolémie supérieure, entre autres.
Toutefois, après une infraction, le conducteur pourrait récupérer automatiquement la totalité des points qui lui ont été retirés à condition de ne pas commettre de manquement pendant une certaine période. Mais, si le propriétaire du permis commet une nouvelle infraction, avant d’avoir récupéré ses points, ceux-ci peuvent lui être réattribués sous certaines conditions.
Malheureusement, depuis lors, rien n’a bougé et les accidents se multiplient. « Nous allons informer, nous allons communiquer et nous allons sensibiliser. Mais en un moment, l’Etat va prendre toutes les mesures idoines pour sanctionner et c’est là où le permis à points va entrer en vigueur. Nous sommes en train de discuter avec les transporteurs», a averti M. Sagna.
Tous coupables !
Alors à qui la faute ? Dans une contribution intitulée « Qui donc arrêtera l’hécatombe sur les routes du Sénégal ? », le Colonel Moumar Guèye, écrivain et ambassadeur de la Paix, accuse tous les acteurs du secteur.
Pour lui, ce sont d’abord les passagers eux-mêmes qui, très souvent, se laissent faire et traiter comme du bétail sans réagir, sans protester, sans s’opposer. « Ils se contentent naïvement de dire « Yalla baax na » (Dieu est grand). Ainsi, la plupart d’entre eux finissent leur voyage au cimetière par la faute d’une bande de malfaiteurs (transporteurs, conducteurs, « koxeurs » et apprentis) uniquement guidés par l’appât du gain facile », a-t-il fustigé.
Le Grand-Croix de l’Ordre du Mérite pointe également du doigt les propriétaires de ces véhicules dangereux qui sèment le deuil et la désolation dans les familles et partout où ils passent. « Ce sont ces patrons qui installent au volant de ces engins de la mort, des bambins incompétents, indisciplinés et inconscients. Ils peuvent arrêter le massacre s’ils le veulent ou s’ils y sont contraints par la force de la loi et de la répression ».
Non sans interpeller les dirigeants des syndicats de transport terrestre. « Votre rôle, ce n’est pas d’agir dans la complaisance pour bénéficier des suffrages, du soutien et des faveurs de votre syndicat ! Votre rôle ne consiste pas à vociférer dans les radios et télévisions en vous érigeant en avocat des chauffeurs et transporteurs, même s’ils sont manifestement fautifs par négligence, par imprudence, par inattention ou par inobservation des lois et règlements », a tenu à rappeler l’Ingénieur des Eaux et Forêts, dans son texte.