
Natation: Gastaldello, les étoiles s’alignent enfin
Les championnats du monde de natation en petit bassin (25m) débutent ce mardi à Melbourne en Australie. 20 nageurs français sont alignés sur cette dernière compétition de l’année. Béryl Gastaldello sera l’une des principales chances de titre mondial. Médaillé d’argent l’an dernier à Abu Dhabi, elle se présente en Australie avec la meilleure performeuse mondiale de l’année sur le 100m 4n. Après huit années passées aux Etats-Unis, huit années de hauts et de bas marqués par une dépression sévère en 2018, la nageuse est rentrée en France il y a moins de 10 mois. En région Parisienne où elle s’entraîne dans la structure privée Etoile 92, la nageuse semble avoir enfin trouvé la stabilité.
C’est une nouvelle vie qui a commencé. Loin du soleil et des grands espaces du Texas où elle a passé les huit dernières années de sa vie. « Looney, hi five ! » Sur la place du marché de La Garenne-Colombes en région Parisienne où elle a donc posé ses valises, après un « check » en anglais patte contre main, Beryl Gastaldello détache les laisses de Looney et Goku ses deux chiens qui ont traversé l’Atlantique avec elle. « Looney m’a sauvé la vie quand j’étais dans un état un peu catastrophique en 2018, elle est inscrite comme support émotionnel. Elle m’a vraiment permis de remonter la pente quand c’était difficile. Et puis on s’est dit qu’il ne fallait pas la laisser toute seule et on a eu Goku… Et lui c’est un peu le bordel dans ma vie (rire). »
Plus si bordélique que ça. Depuis son arrivée dans les des Hauts-de-Seine, à deux pas des tours de La Défense, Beryl Gastaldello se redécouvre, ou se retrouve. « Je me suis bien adaptée, je connais un peu plus de monde maintenant. J’aime beaucoup ma routine de tous les jours. Promener les chiens, aller au marché le mercredi et le samedi. Je connais les commerçants, la boulangerie… Comme une bonne petite Française! (rire) D’être proche de la famille, d’être retournée aux sources, de parler sa langue natale ça me plait énormément. D’être dans sa propre culture avec les blagues, la nourriture qui est vachement importante pour moi c’est quand même différent. Ça change tout. Il fait juste un peu plus froid (rire). »
Ce n’est pas seulement l’art de vivre à la Française qui a poussé la double championne d’Europe 2018 en relais à ce grand bouleversement. Comme une évidence, ce retour en France c’est aussi la rencontre entre une nageuse atypique et un club atypique: Etoile 92 première structure 100% privée de natation en France née il y a un peu plus de deux ans.
« On l’a reprise dans un état difficile sportivement mais aussi mentalement, explique Olivier Sangaria l’entraîneur. On sentait qu’elle était vraiment à bout. Les derniers mois ont été très compliqués pour elle, elle a changé d’entraîneur, de structure, elle s’est entraînée pendant des mois toute seule dans une piscine publique avec l’entraînement écrit sur un petit papier. Elle était arrivée au bout de son projet. Mais on l’a récupérée avec toujours autant de motivation et d’envie. Elle avait envie de retrouver une dynamique de groupe, et surtout son pays. Ça lui manquait. »
Sangaria assure qu’elle est déjà « revenue à un niveau de performances d’il y a six ou sept ans. J’ai découvert une athlète exceptionnelle en termes de qualité athlétique et aquatique. Et mentalement une athlète de très haut niveau, qui sait ce qu’elle veut, motivée et qui a le sentiment de ne pas encore avoir fait ce qu’elle aurait pu faire dans sa carrière et qui veut briller à Paris devant le public français. »
Une athlète singulière. « Béryl est différente, elle est particulière, mais tous les athlètes de très haut niveau le sont. Elle est très extravertie, elle a son caractère mais elle est très attachante. Après il faut veiller dans un groupe à ce que ça se connecte bien et aujourd’hui c’est le cas. J’aime cette différence justement. On n’est pas dans la norme et le policé. Elle donne beaucoup d’énergie. Elle a beaucoup évolué et travaille beaucoup sur elle-même. Elle arrive à gérer ses émotions et on voit qu’en six mois elle a énormément avancé. J’ai mis du temps à l’apprivoiser mais aujourd’hui on a notre système de communication. »
« Un être d’énergie, hyper-sensible »
Une différence dont elle avoue avoir souffert par le passé. « J’ai toujours été un être d’énergie. Et comme toutes les personnes différentes, je suis incomprise. Et quand on est incompris on est incontrôlable alors que ce n’est pas du tout le cas. J’ai toujours été comme ça, mais je ne comprenais pas mon hyper sensibilité. Maintenant je comprends que je suis quelqu’un d’hyper sensible, je comprends pourquoi, comment le gérer. C’est pour ça que j’ai aussi envie d’aider les autres parce que je sais qu’on est beaucoup dans ce cas-là et on est un peu rejetés de la société. J’ai vécu du harcèlement, notamment à certains moments en équipe de France. Ça fait partie de pourquoi aujourd’hui je veux avoir un impact pour que les choses se passent différemment. »
La Marseillaise de naissance s’éclate dans son nouvel environnement. « J’ai trouvé des gens et un groupe qui m’ont accueilli comme je suis et qui sont aussi dingues que moi. Un groupe de tarés donc on s’entend tous très bien. Et pour moi le collectif c’est tout. La natation ce n’est pas vraiment un sport individuel. J’en fait depuis 20 ans et je peux vous dire que ce n’est pas le cas. »
« Le but ultime, être heureuse »
A 27 ans (elle en aura 28 en février), Beryl Gastaldello n’hésite plus au moment d’affirmer qu’elle « est heureuse. Je suis heureuse et c’est le principal pour moi. Pour moi je mérite ce qu’il m’arrive parce que j’ai fait j’ai fait en sorte que ça m’arrive. Tout se passe bien, je suis heureuse donc pour l’instant les étoiles sont alignées. C’est le but ultime pour moi d’être heureuse. »
Heureuse, et donc performante. « Je suis rentrée en France pour la stabilité. Je suis quelqu’un qui a besoin de stabilité pour performer. Ça se transmet déjà dans les performances et je me sens déjà plus forte que ce que je n’ai jamais été dans ma carrière. »
Meilleure performeuse mondiale de l’année sur le 100m 4nages, Beryl Gastaldello est dans son jardin en petit bassin et compte bien finir l’année en beauté en Australie. Avec le plaisir de retrouver l’équipe de France après avoir manqué les sélections pour les derniers mondiaux de Budapest. « Ça fait vraiment plaisir de voir à quel point l’équipe de France est en symbiose. On est soudés, il y a quelque chose de différent les gens ont maturé. Tout le monde est dans son projet et bienveillant. La bienveillance c’est quelque chose qui me marque. Quand on vit bien dans un collectif ça se ressent. Là c’est le cas et ça se ressent aussi dans les performances. Il faut dire la vérité ça n’a pas toujours été le cas. Je suis très fière de cette équipe de France. »
Mais elle pense déjà aux prochaines échéances en grand bassin (50m), le juge de paix en vue des JO de Paris. La marche sur laquelle elle a trop souvent trébuché. « Elle a un profil petit bassin dans le sens où elle fait partie des meilleures nageuses du monde dans les parties sous-marines, détaille Olivier Sangaria. Mais je suis convaincu qu’elle sera performante en grand bassin. Elle a commencé à le faire à Rome aux Euro l’été dernière après 3 mois seulement avec nous. On a beaucoup d’ambitions pour ces mondiaux de Melbourne en petit bassin, mais c’est sur ce qu’elle sait faire. Pour le grand bain on a beaucoup d’ambitions, pour les jeux évidemment mais aussi pour les mondiaux de Fukuoka cet été. »
« Montrer que je sais nager! »
« Je n’ai aucun doute sur le fait que le niveau que j’ai en petit bassin va se transmettre en grand bassin, appuie Beryl Gastaldello. Ce n’est qu’une question de semaines ou de mois. Je n’ai aucun doute parce qu’avec le travail que je fais ici et la stabilité que j’ai tous les jours, j’ai hâte justement de montrer de quoi je suis capable en grand bassin. Parce que je sais aussi nager ! Je suis forte sous l’eau, mais je sais aussi nager! »
Et Beryl Gastaldello s’appuie désormais sur son passé tourmenté pour en faire une force. « Je suis capable d’aller pousser dans la souffrance plus que n’importe qui et c’est grâce à ce que j’ai vécu. Le but pour moi c’est d’être une lumière, d’apporter de la joie et de la lumière. C’est vraiment la personne que je veux être et je m’en rapproche. »
Une lumière et des étoiles qui commencent, enfin, à s’aligner.