Le tourisme local, la voie du salut ? (Par Ghislaine Rokhy GOUDIABY)
L’ambition du Plan Sénégal Emergent pour le secteur touristique est aujourd’hui connue de tous. Si à la fin des années 90, le nombre d’arrivées de touristes étrangers tournait en moyenne entre 400 000 et 600 000 touristes, l’objectif affiché par le PSE est de placer le Sénégal dans le top 5 des pays touristiques en Afrique, en portant le nombre de touristes à plus de 3 millions par an à l’horizon 2023.
On est en 2021. A trois ans de l’échéance, la courbe des arrivées a atteint son niveau le plus bas. La pandémie de la Covid-19 est passée par là, faisant de 2020-2021, une année noire pour le tourisme mondial, en général et sénégalais en particulier. D’autant plus que comme l’avait souligné le ministre du Tourisme et des Transports aériens, Alioune Sarr, dans le troisième numéro du magazine Sky Dakar, édité par l’Aéroport international Dakar Blaise Diagne de Diass, un total de 1,7 million de touristes étrangers ont visité le Sénégal en 2019. Un coup dur pour l’économie nationale quand on sait que le tourisme est la deuxième source de devises au Sénégal après la pêche. En 2018, il représente 6 % du PIB du Sénégal et génère près de 100 000 emplois, selon les statistiques de l’Agence nationale de la statistique et de la Démographique (ANSD). A la suite de l’onde choc de la pandémie de Covid-19, le Sénégal a défini un plan de relance globale de l’économie, et surtout du tourisme.
Ainsi, 2,8 millions d’emplois, 985 milliards de francs Cfa de recettes et 4,1 millions de touristes : Tels sont les objectifs du Sénégal d’ici 2025. Mais pour obtenir de tels résultats, un changement de paradigme ou une diversification de l’offre touristique s’impose inéluctablement. Parce que le tourisme au Sénégal demeure, jusque-là, une activité économique déséquilibrée géographiquement parlant. C’est le littoral, donc le tourisme balnéaire, qui accueille l’essentiel des touristes étrangers. Le plan de relance du secteur basé sur 5 axes qui a fait l’objet d’une réunion de partage au tout début du mois de septembre, se propose de corriger ce déséquilibre.
C’est le 3ème axe qui est dédié au tourisme local, la nouvelle option. Parmi les mesures phares, on peut retenir le renforcement du crédit hôtelier et touristique pour accompagner les projets de rénovation, la réhabilitation des sites culturels et naturels inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Sans oublier l’aménagement des sites touristiques, des projets de pôles touristiques, la promotion de projets d’incubation des micro-entreprises sur la chaîne de valeur touristique, et la réhabilitation des réceptifs hôteliers. Dans tous les cas, avec les restrictions et autres fermetures des frontières au niveau de beaucoup de pays émetteurs, l’unique voie de salut pour le tourisme sénégalais reste le développement du tourisme local. Surtout que le Sénégal ne manque pas d’atouts dans ce sens. Le challenge, c’est qu’en plus du balnéaire orienté vers les tours operators étrangers et qui s’est essoufflé, l’alternative réside dans le tourisme local.
De quoi s’agit-il ? L’enjeu est de faire de telle sorte que les Sénégalais puissent faire du tourisme à l’intérieur du pays en visitant différents sites culturels, historiques, des parcs nationaux et aussi balnéaires. Mais ces circuits, il faut les identifier, les développer et surtout de proposer des offres accessibles aux Sénégalais. Le Sénégal dispose d’importants atouts sur le marché régional et local, mais son industrie touristique doit se réinventer. D’autant plus qu’au niveau de la sous-région, des pays comme la Côte d’Ivoire se positionnent davantage. Dans ce pays, le tourisme local représente « 62 % de l’économie de la Côte d’Ivoire en matière de services », avec plus 700 000 touristes ivoiriens en 2015, selon les chiffres publiés par la Banque mondiale.
L’Etat ivoirien s’emploie à mettre l’accent sur la richesse culturelle du pays et sur l’écotourisme en développant des tours dans les réserves et parcs nationaux que compte le pays. Dans tous les cas, Siandou Fofana, ministre ivoirien du Tourisme disait que « les grandes villes touristiques du monde ne sont pas forcément balnéaire. Il faut s’en inspirer ». La messe est donc dite pour le Sénégal. Pour sauver cette mamelle de l’économie qui est le tourisme, ce plan de relance est une opportunité à saisir pour relever de nouveaux défis.
Ghislaine Rokhy GOUDIABY
Spécialiste en communication