Le géant sucrier Tereos reconnu coupable de la pollution catastrophique du fleuve de l’Escaut

Des litres et des litres de liquide noirâtre déversés dans l’Escaut et des tonnes de poissons morts. Le groupe coopératif français Tereos, propriétaire de la marque Béghin-Say, a été condamné ce jeudi à Lille (Nord) à 500 000 euros d’amende et à plus de 9 millions de dommages et intérêts pour avoir pollué l’Escaut en 2020. Le tribunal correctionnel reconnaît la «négligence» du géant sucrier dans l’entretien d’une digue, qui avait cédé et entraîné cette pollution. La région wallonne (Belgique), touchera notamment 8,86 millions d’euros au titre du «préjudice écologique».

Dans la nuit du 9 au 10 avril 2020, la digue de terre d’un bassin de décantation, qui retenait 100 000 mètres cubes d’eaux de lavage des betteraves sucrières, s’était rompue. Du liquide noirâtre, essentiellement composé de matières organiques s’était alors déversé dans le fleuve de l’Escaut, qui traverse la France, la Belgique et le Pays-Bas. «Une vague d’eau contaminée» a déferlé, déplorait alors le communiqué de l’Office français de la biodiversité, asphyxiant le milieu aquatique.

Tereos avait pris des mesures pour endiguer la catastrophe et alerté immédiatement les autorités préfectorales. Celles-ci n’avaient toutefois pas jugé nécessaire d’alerter les homologues belges en raison d’un retour à «un taux d’oxygène plus normal» du côté françaiset ceen dépit d’accords transfrontaliers. Le groupe, lui, s’entêtait même à nier toute implication : «Il est à ce stade impossible d’établir un lien de causalité avéré entre l’incident survenu à Escaudœuvres et ce qui est rapporté de la situation en Belgique.»

«Pollution la plus importante depuis plus d’un siècle»

Sauf que les résultats de l’enquête sont incontestables, concluant à une «diminution de 50 % du nombre d’espèces et 90 % des effectifs». C’est «la pollution la plus importante qu’ait connue l’Escaut depuis plus d’un siècle», s’était insurgée Corinne Lepage, ex-ministre de l’environnement et avocate de la région de Wallonie au moment de l’audience. Le substitut du procureur Florian Pappo évoquait «des négligences, des imprudences, un non-respect de la réglementation» qui ont «contribué à aggraver le risque d’accident». Selon lui, «il faudra des années» pour réparer les dégâts.

L’avocat de Tereos, Alexandre Moustardier, avait pour sa part pointé «une chaîne de responsabilités ou des multi-responsabilités» d’acteurs publics et privés. Selon lui, le bureau d’études Antea Group chargé de contrôler les bassins n’avait pas alerté sur l’urgence d’une intervention. L’avocat avait aussi mis en avant un «défaut d’encadrement administratif», avant l’accident, des installations mises en cause.

Le parquet avait requis 500 000 euros d’amende, conforme donc à la sentence et l’obligation de «réparer les dommages» environnementaux contre Tereos. Mais cette dernière n’a pas été retenue, un arrêté préfectoral d’août 2021 prescrivant déjà à Tereos des mesures de réparation écologique de l’Escaut.

«Nous sommes évidemment satisfaits de la sévérité de la sanction, a réagi Corinne Lepage, avocate de la région de Wallonie, qui réclamait 17 millions d’euros. Je suis pour ma part satisfaite de voir que le préjudice écologique est une fois de plus reconnu et indemnisé.»

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