Guerre en Ukraine : ce que l’on sait des actes de torture rapportés à Kherson et décrits comme un « phénomène » d’une ampleur « horrible »

Depuis la libération de cette grande ville du sud du pays, les témoignages se multiplient, après huit mois d’occupation des forces russes.

« Je n’ai pas encore vu » de tortures « à une telle échelle ». Dmytro Loubynets, chargé des droits humains au Parlement ukrainien, a décrit, jeudi 18 novembre à la télévision nationale, les exactions constatées à Kherson après le départ des forces russes. « L’ampleur du phénomène est horrible », a affirmé le responsable ukrainien, qui a précisé avoir « visité toutes les salles de torture dans diverses régions de l’Ukraine ».

Depuis la libération de Kherson par l’armée ukrainienne, les témoignages se multiplient. Voici ce que l’on sait pour l’instant de ces accusations contre l’armée russe, qui a occupé cette grande ville du sud du pays pendant huit mois.

Des salles de tortures

Des « dizaines de personnes » étaient « électrocutées, battues avec des tuyaux métalliques. Leurs os étaient brisés » et « les Russes ont filmé tout cela », a accusé Dmytro Loubynets. Un habitant de Kherson a raconté à l’AFP avoir été détenu pendant des semaines. Il dit avoir été ligoté, frappé et électrocuté par des responsables russes et prorusses pendant sa détention. Oleksander a, lui, témoigné auprès de CNN (en anglais) : « Ils maltraitaient tout le monde, nous affamaient, nous faisaient travailler gratuirement pour réparer leurs véhicules militaires… Ils nous frappaient autant qu’ils le souhaitaient. »

Il raconte notamment que des policiers russes lui ont « volontairement cassé la jambe » lors de son arrestation. Dans la prison où il a été détenu et où il a conduit les journalistes de la chaîne américaine, la salle de torture a été incendiée par les Russes, « pour détruire les traces de leurs crimes », affirme-t-il. CNN décrit des cellules, des barrières couvertes de fils barbelés et un long couloir sombre, « où les Russes exécutaient les Ukrainiens pour avoir chanté des chants ou porté des tatouages pro-ukrainiens », raconte un autre ex-prisonnier.

L’AFP a pour sa part publié des photos montrant « une salle de détention en l’attente de procès, où l’occupant russe a installé une salle de torture. »

Des témoins font état d’un autre lieu auprès de Reuters (en anglais) : un commissariat sur deux étages, baptisé « le trou » et installé au numéro 3 de la rue des Travailleurs de l’énergie. « Deux habitants d’un immeuble qui donne sur la cour du commissariat ont déclaré avoir vu des corps emballés dans des draps blancs être sortis du bâtiment, placés dans un garage, puis jetés dans des camions pour être emportés », poursuit l’agence de presse, qui précise ne pas avoir pu vérifier ces déclarations.

Des interrogatoires pour obtenir des confessions

De quoi étaient accusés les Ukrainiens conduits dans ces prisons ? Oleksander, toujours cité par CNN, raconte que les policiers russes présents à Kherson pendant l’occupation l’ont accusé d’être un criminel. Un autre Ukrainien, Kosta, explique avoir été accusé d’appartenir à un réseau de saboteurs s’en prenant aux officiels et aux installations russes, poursuit CNN.

Ce dernier confie avoir subi des tortures psychologiques, visant à obtenir des confessions. Il raconte à la chaîne avoir vécu une fausse exécution par arme à feu et témoigne de cris entendus depuis d’autres cellules. « Ils ont mis des câbles électriques sur mes testicules, mais n’ont pas allumé le courant », raconte-t-il. Il a fini par être relâché.

Des crimes de guerre et des tortures « systématiques »

En visite dans la ville mardi, le président ukrainien a déclaré que les autorités avaient rassemblé des preuves d’au moins 400 crimes de guerre commis par les troupes russes durant l’occupation de la région, dénonçant une « sauvagerie » de la part des militaires du camp adverse, « semblable à ce qu’ils ont fait dans d’autres régions« , ravivant le souvenir des fosses communes découvertes en avril dans la ville de Boutcha, non loin de Kiev. Certains cadavres portaient des traces de tortures. Des habitants avaient également rapporté avoir été victimes ou témoins de ces actes perpétrés par les soldats russes. A l’époque, Moscou avait nié avoir visé des civils et commis des atrocités.

« Je suis sûr que dans chaque localité importante, on va découvrir une salle de torture. Car c’est un système mis en place par la Russie », a encore déclaré Dmytro Loubynets lors de son allocution télévisée.

Mardi, l’ONU a alerté sur de nombreux cas de prisonniers de guerre torturés dans les deux camps« La grande majorité [des prisonniers de guerre capturés par les forces russes] que nous avons interrogés nous ont dit avoir été torturés et maltraités », a rapporté Matilda Bogner, responsable de la mission de surveillance des droits humains en Ukraine. L’ONU a également reçu des « allégations crédibles » d’exécutions sommaires de prisonniers de guerre russes capturés par les forces ukrainiennes et de plusieurs cas de tortures et de mauvais traitements. Elle a cependant ajouté que ces violations de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, ratiffiée par les deux pays, étaient « plutôt systématiques » côté russe et pas côté ukrainien.

L’ONU va enquêter, la France propose son aide

Alors que des enquêteurs ukrainiens sont sur place, l’ONU a annoncé mardi l’envoi d’observateurs dans la région de Kherson, afin de chercher des preuves supplémentaires de mauvais traitements visant les civils, selon Reuters (en anglais).

Des enquêteurs français se tiennent par ailleurs à la disposition de l’Ukraine pour enquêter sur d’éventuels crimes de guerre à Kherson. « Nous apportons notre soutien à la procurature générale ukrainienne et nous avons des équipes qui sont à ce stade sur place en Ukraine pour aider les enquêteurs si les autorités ukrainiennes nous en font la demande », a fait savoir, vendredi matin sur franceinfo, Anne-Claire Legendre, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Les enquêteurs français qui avaient été dépêchés sur place au moment de la découverte de crimes de guerre à Boutcha « ne sont pas encore à Kherson », a-t-elle déclaré.

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