Epargne : pourquoi le taux de rémunération du livret A est-il en passe d’augmenter au 1er février ?

Ce placement très prisé par les épargnants en France doit atteindre son plus haut niveau de la décennie, autour de 3%.

Alors que l’inflation grève le budget de nombreux Français, voilà une bonne nouvelle pour les épargnants. A partir du 1er février, le taux de rémunération du livret A doit passer de 2% à plus de 3%, un niveau inédit depuis 2009. Le placement préféré des Français (55 millions de souscriptions, selon les données de l’observatoire de l’épargne réglementée) n’est pas le seul à bénéficier d’un petit électrochoc. Le livret de développement durable solidaire (LDDS) et le livret d’épargne populaire (LEP) doivent chacun voir leurs taux grimper en 2023, jusqu’à plus de 6% pour le LEP, traditionnellement calqué sur l’inflation. Alors que le ministère de l’Economie doit officialiser vendredi ces nouveaux niveaux de rémunération, franceinfo se penche sur les facteurs qui expliquent un telle hausse.

Parce que l’inflation a été très marquée en 2022

C’est la principale explication de ce phénomène qui entraîne des réactions en chaîne. Après une hausse des prix mesurée à 6,2% sur l’année 2022, l’inflation doit s’établir à 7% en début d’année 2023, selon une récente note de l’Insee. Or, cet indicateur influence en partie le calcul de la rémunération du livret A. Plus précisément, le taux d’inflation moyen enregistré durant les six derniers mois est pris en compte.

Cela explique pourquoi le niveau de rémunération du livret A avait déjà connu deux hausses successives en 2022, pour passer de 0,5% à 1%, puis à 2% le 1er août. Le taux d’intérêt annuel du livret de développement durable et solidaire (LDDS) étant aligné sur celui du livret A, ce dernier avait aussi été revalorisé à 2% à la même date, explique le ministère de l’Economie. Même chose pour le livret jeune qui, légalement, ne peut pas être moins rémunérateur que le livret A.

Parce que les taux directeurs européens ont été redressés

Une autre explication vient tout droit de Francfort, en Allemagne, où se trouve la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci a notamment pour devoir de réguler le niveau des prix dans la zone euro. Face à l’inflation galopante, la BCE a remonté deux fois ses taux directeurs en 2022, espérant activer un mécanisme complexe jouant sur la demande et donc la consommation.

Comme le rappelle la Banque de France, les taux directeurs influencent le taux d’intérêt auquel les banques commerciales prêtent à leur tour à leurs clients. Mais rehausser ces taux, c’est aussi faire grimper les niveaux de rémunération des produits d’épargne en France, puisqu’ils sont pris en compte dans le mode de calcul de la rémunération du Livret A. Pour décider du taux de ce livret, la Banque de France se base en effet sur la moyenne arithmétique entre le taux d’inflation moyen des derniers mois et le taux d’intérêt interbancaire de référence (baptisé « €STR »), qui est donné par la Banque centrale européenne.

Parce que c’est un choix politique

Il faut rappeler que, malgré le niveau élevé de l’inflation, la hausse des taux des livrets d’épargne n’est pas automatique en France. Elle est décidée par le ministère de l’Economie, sur conseil de la Banque de France, qui effectue un nouveau calcul tous les six mois. Pour l’instant, aucune de ces deux entités n’a voulu confirmer la hausse estimée à plus de 3% du taux du livret A. « Ce sera un chiffre que je déciderai sur la base de la recommandation du gouverneur », a simplement déclaré mardi matin le ministre Bruno Le Maire, invité des « 4 vérités » sur France 2, précisant qu’une annonce sera faite vendredi 13 janvier.

Réévaluer (ou non) le taux pour le livret A relève du casse-tête pour Bercy, car ce produit d’épargne sert essentiellement à financer les HLM et le renouvellement urbain. D’un côté, une hausse permet d’attirer les épargnants. En 2022, pas moins de 25,8 milliards d’euros ont ainsi été versés sur ces livrets, selon la Caisse des dépôts. De l’autre, une telle mesure à aussi ses effets indésirables.

« Faire un coup de pouce supplémentaire sur le livret A, c’est pénaliser le financement du logement social, détaillait Bruno Le Maire en juillet au Parisien. Ce que nous gagnons en termes de rémunération, nous le perdons en termes de construction de logements sociaux et de protection des plus fragiles. » Comme le rappelle la Caisse des dépôts, la hausse des taux de rémunération entraîne aussi la hausse des taux d’intérêts des prêts qu’elle accorde aux bailleurs sociaux – limitant ainsi leurs projets.

Autre problème, un taux de rémunération plus élevé implique des coûts supplémentaires pour les banques, dont les versements d’intérêts augmentent. Pour éviter une hausse trop brusque pour le secteur bancaire, celle du taux du livret A est plafonnée à +1,5% par réévaluation, et ces changements ne peuvent intervenir qu’à des dates précises : le 1er février, le 1er mai, le 1er août et/ou le 1er novembre de chaque année.

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