En Autriche, une filiale d’Orpea dans le viseur de la justice

Les déboires judiciaires s’accumulent pour Orpea, en France comme à l’étranger. Sous le coup de nombreuses procédures dans l’Hexagone pour maltraitance et malversations financières, le numéro 2 français des maisons de retraite se retrouve aussi, indirectement, sur le banc des accusés en Autriche. Depuis lundi matin, trois employés ou ex-employés de SeneCura, filiale autrichienne du groupe français, sont jugés devant le tribunal régional de Wiener Neustadt, dans l’est du pays alpin. En cause, des négligences à l’égard des résidents, qui se seraient déroulés dans une maison de retraite médicalisée située en Basse-Autriche.

Les accusés – deux femmes et un homme âgés de 49 à 62 ans – sont «visés par une plainte du parquet» après le constat de «manquements», a indiqué le groupe SeneCura. Il leur est reproché d’avoir privé les résidents de leur repas du soir, d’avoir restreint leur liberté ou encore de n’avoir pris aucune mesure contre une épidémie de gale. Des problèmes mis en lumière suite aux signalements d’autres employés en début d’année dernière, qui avaient conduit à un audit interne. Dans un communiqué, SeneCura a expliqué que la prise de médicaments et les soins auraient été «mal ou pas du tout documentés». Une situation liée selon elle à «un problème structurel de manque de main-d’œuvre» qui était «déjà perceptible avant l’émergence du Covid-19» mais aurait été «exacerbée par la pandémie».

«Graves lacunes»

Premier opérateur privé d’établissements de santé et de soins en Autriche, SeneCura gère 90 établissements en Autriche, Croatie, Suisse, Slovénie et République tchèque. Il a été racheté en 2015 par le groupe Orpea, qui opère aujourd’hui plus de 850 établissements dans 23 pays, majoritairement en Europe mais aussi dans quatre pays d’Amérique latine et en Chine. Les deux tiers du réseau d’Orpea se trouvent à l’étranger.

Pour le géant de l’aide aux personnes dépendantes, il s’agit de la seconde affaire en l’espace de quelques mois dans ce pays d’Europe centrale. Une autre résidence médicalisée du groupe SeneCura, à Salzbourg, fait l’objet d’une enquête lancée après la publication, début septembre, d’un rapport alarmant du bureau du Défenseur des droits autrichien. Patients déshydratés ou mal nourris, infections non traitées, médicaments administrés avec retard : lors d’une visite inopinée, au printemps, dans cette maison de retraite de 90 places, les rapporteurs avaient constaté de «graves lacunes en matière de soins» représentant «une menace pour l’intégrité psychique et physique des résidents».

Les auteurs du rapport dénonçaient aussi le manque de réactions des autorités du Land de Salzbourg, en dépit de nombreuses inspections et des alertes répétées lancées par le personnel, qui alertait notamment sur le manque d’effectif. Le Collège des médiateurs, institution qui contrôle l’administration en Autriche, avait également dénoncé cette apathie, provoquant la démission d’un responsable politique de la province.

Vaste enquête

En France, la parution en janvier du livre-enquête les Fossoyeurs du journaliste Victor Castanet, a créé un véritable séisme chez Orpea, accusé à la fois de comportements de maltraitance et de détournements de fonds. Plombé par une dette de 9,5 milliards d’euros, le groupe a vu son cours en Bourse chuter de 90% depuis le début de l’année. Il a accepté fin novembre de rembourser à l’Etat 56 millions d’euros de subventions indues. Une trentaine de cadres dirigeants ont été virés pour des soupçons de malversation. De multiples perquisitions ont été menées, à la fois au siège du groupe, dans les directions régionales et, le mois dernier, dans plusieurs dizaines d’établissements. Le tout, dans le cadre d’une vaste enquête ouverte pour «maltraitances institutionnelles».

Le 15 novembre, le jour même où les gendarmes de l’Office central de luttes contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique perquisitionnaient les maisons de retraite du groupe, son nouveau directeur général, Laurent Guillot, nommé en mai, présentait un plan stratégique sur trois ans pour tenter de changer de mode de fonctionnement et remédier à son endettement pharaonique. La nouvelle direction a annoncé notamment 800 recrutements par mois, la création d’un comité d’éthique et l’ouverture, pour la première fois depuis quinze ans, de négociations générales sur les augmentations de salaire. Pour tenter de faire oublier les errements du passé, très éloignés de la promesse de son acronyme : ouverture, respect, présence, écoute et accueil.

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