“DDD et TER : désastre social et gouffre financier” (Cellule Économique de la République des valeurs)

Les nombreux et dispendieux investissements effectués par les gouvernements de Macky Sall au cours des dernières années pour restructurer et développer le réseau de transport public urbain risquent d’être vains, s’ils ne le sont déjà ! Nulle intention de notre part de vouloir jouer aux oiseaux de mauvais augure. Il s’agit tout simplement d’un constat factuel. En effet, les deux (2) principales entités chargées d’exploiter le réseau de transport public dans la région de Dakar semblent avoir des plombs dans l’aile du fait de tares congénitales. La première entité, la société Dakar Dem Dikk (DDD) est quasiment en état de faillite. Une mauvaise gestion, financière et technique, est passée par là. Cette situation est aggravée par une mauvaise gestion des relations de travail, laquelle installe, en permanence, un climat social détérioré. La seconde entité est la Société d’exploitation du Train Express Régional (SETER). C’est une filiale du groupe SNCF/KEOLIS. Au bout d’une année de gestion, elle est en proie à des tensions sociales qui risquent d’aboutir au blocage. L’instauration d’un système différencié de traitement entre le personnel local et celui ayant le statut d’expatrié ainsi que les harcèlements moraux que subissent le personnel font partie des causes. Ce qui rappelle les heures sombres de la colonisation et installe une néo-colonisation qui ne dit pas son nom.
 
DDD : un désastre financier et social
 
DDD est une Société Anonyme de droit sénégalais à participation publique majoritaire. Son capital social est de 1,5 milliard de FCFA. Selon les chiffres officiels du Ministère des Finances et du Budget (MFB), la perte des capitaux propres de DDD s’élève à plus de 25 milliards FCFA. Cette perte faramineuse sera absorbée par l’État. De plus, celui-ci devra puiser dans son budget pour supporter, éventuellement, une augmentation de son capital ainsi qu’un financement de son plan de relance. Ce qui serait, au total, un coût exorbitant pour le contribuable sénégalais. Cette situation fait dire au MFB que DDD présente des risques de solvabilité, des risques de profitabilité, des risques opérationnels et des risques financiers considérés, globalement, comme étant « élevés ». DDD est considérée comme un établissement à risques étant donné que son maintien à flot pourrait entraîner des dépenses budgétaires additionnelles pour l’État et, subséquemment, faire dérailler les prévisions budgétaires avec notamment une augmentation de la dette publique et un manque à gagner au plan fiscal.   
 
Comment en est-on arrivé à cette situation désastreuse au plan financier pour une compagnie qui dispose, théoriquement, d’un parc de plus de 700 bus ? Comment se fait-il que la compagnie en soit parvenue à ce désastre financier quand on sait qu’elle a bénéficié, en 2016, de 475 nouveaux autobus de marque Ashok Leyland (Inde) ? Pas difficile de trouver les réponses à ces questions tant leur évidence s’impose d’elle-même : une gestion prédatrice et clientéliste.  En effet, excepté son premier directeur, Christian Salvy, tous les autres qui se sont succédé à la tête de cette importante société, depuis 2012, doivent leur nomination à leur engagement politique auprès de Macky Sall. Ce dernier a toujours préféré confier un aussi important instrument de gestion de la mobilité urbaine à des mains inexpertes, sans expériences et réalisations professionnelles probantes dans le domaine du transport public. Plus de 100 000 voyageurs qui étaient habituellement transportés par DDD, quotidiennement, trinquent et continuent de trinquer ! Les 700 bus, qui composent théoriquement le parc de DDD, sont pratiquement à l’arrêt, faute de maintenance et aux effets d’une surexploitation. Ce qui relève de l’amateurisme. Les 475 autobus neufs, acquis et mis en circulation en 2016, sont aujourd’hui pratiquement tous en panne et ne peuvent être réparés faute de pièces de rechange. Cela relève d’une incompétence crasse d’autant plus que la Direction de l’époque n’a pas su profiter de cette opportunité (nouveaux bus requérant moins de dépenses de maintenance) pour stabiliser la compagnie. Une partie du patrimoine domanial de DDD est aliéné dans des conditions nébuleuses pour des motifs fallacieux. Les revenus tirés de cette spéculation foncière, qui ne dit pas son nom, n’ont pas permis, tant soit peu, de redresser financièrement la compagnie. Ce qui installe des suspicions légitimes sur l’intégrité morale des dirigeants concernés et sur ceux qui les ont nommés. Les charges du personnel hypothèquent l’avenir de DDD du fait de recrutements partisans massifs sans rapport avec les besoins de l’entreprise. Cette réalité est régulièrement dénoncée par les syndicats. DDD est aussi une bombe sociale. Elle peut connaître une déflagration à tout moment tant ses milliers de braves travailleurs vivent des moments difficiles empreints d’inquiétude et de désarroi. Des difficultés qui se traduisent par une fragilisation de leur santé physique, mentale et psychologique. 
 
TER : la réminiscence du colonialisme
 
Les polémiques nées de la décision de doter le Sénégal d’un Train Express Régional (TER), des modalités et du montant du financement de ce projet ainsi que de la réalisation de celui-ci restent vivaces et sont loin de s’estomper. La mise en service et le fait d’avoir transporté plus de 10 millions de voyageurs en neuf (9) mois d’exploitation n’ont pas réussi à soustraire le TER des projecteurs de l’actualité. Celle de la polémique et, aujourd’hui, celle de la contestation. Aux nombreuses critiques formulées par plusieurs spécialistes et segments de la société sénégalaise notamment sur le fait que ce projet ne profite, pour l’essentiel, qu’entreprises françaises (ALSTOM, ENGIE, THALES, EIFFAGE, etc.), s’ajoutent maintenant des récriminations et des contestations portant sur la gestion sociale de la SETER. 
 
La dégradation du climat social à la SETER vient d’atteindre son paroxysme avec la saisine de l’inspection du Travail, par les travailleurs, face à l’autisme et à l’arrogance dont fait preuve la Direction générale de la société. Ils sont près d’un millier et refusent de se voir installer dans une précarité sociale alors qu’au même moment une poignée de travailleurs expatriés bénéficient d’un traitement royal ! les mauvaises conditions de travail qu’ils vivent et les harcèlements psychologiques dont ils font l’objet rappellent l’époque coloniale alors que le Sénégal se targue d’être indépendant depuis 62 ans ! 
Plus grave, plusieurs journaux ont rapporté des chantages effectués par la direction générale de la SETER sur l’État sénégalais en menaçant d’arrêter les lignes si celui-ci ne procède pas au paiement des montants dus au groupe SNCF/KEOLIS. Faut-il rappeler, qu’entre janvier et octobre 2022, les recettes générées par le TER s’élèvent à 9,8 milliards FCFA et que la SETER bénéficie d’une subvention d’exploitation à hauteur de 18 milliards FCFA. Outre le fait que ces menaces soient inadmissibles, elles posent, avec acuité, le problème du contenu des contrats d’exploitation qui lient l’État du Sénégal au groupe SNCF/KEOLIS. Elles mettent également en exergue les limites ou les incompétences du gouvernement sénégalais à négocier des contrats profitables au Sénégal. En effet, comment comprendre, qu’après avoir investi, officiellement, 780 milliards de FCFA dans ce projet que notre pays ne soit pas capable d’exiger, en plus du transfert de technologie, un transfert de compétences, total et intégral, permettant aux sénégalais de gérer, pour eux et par eux, le TER de façon autonome et souveraine ? L’exemple de la Chine est à méditer : ce pays exige toujours, dans ses contrats avec les pays occidentaux, que les transferts de technologie s’accompagnent de transferts de compétences, sans restrictions ! 

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