CNR de la petite enfance : « Nous n’attendons pas grand-chose de cette concertation », confie la présidente de la Fédération des éducateurs de jeunes enfants

Julie Marty défend la mise en place d’un « service public universel de la petite enfance » avec une offre de garde sur tout le territoire et la gratuité pour les familles les plus pauvres.

« Nous n’attendons pas grand-chose de cette concertation parce que, si derrière on ne met pas les moyens pour que ça puisse se faire correctement, ça n’aboutira à rien », confie Julie Marty Pichon, la présidente de la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants (FNEJE), jeudi 8 décembre sur franceinfo, alors que le ministre des Solidarités lance le Conseil national de la refondation (CNR) sur la petite enfance. Julie Marty Pichon rappelle qu’elle sort de quatre ans de concertation sur la réforme des modes d’accueil qui est « une mauvaise réforme ».

franceninfo : Le Conseil national de la refondation sur la petite enfance est-il une bonne chose ?

Julie Marty Pichon : C’est une bonne chose parce que ça met sur la scène publique cette question qui est essentielle pour notre pays. Maintenant, nous, on sort de quatre ans de concertation sur la réforme Norma sur les modes d’accueil qui a abouti à une mauvaise réforme parce que ce n’est qu’une réforme financière et économique pour développer, développer, développer. Donc nous n’attendons pas non plus grand-chose de cette concertation parce que, si derrière on ne met pas les moyens pour que ça puisse se faire correctement, ça n’aboutira à rien.

Aujourd’hui, les professionnels désertent le secteur, c’est très compliqué de remplir les centres de formation.

Julie Marty Pichon

à franceinfo

On parle de développer une compétence obligatoire pour les collectivités, parce qu’actuellement elle est facultative, mais si elle est obligatoire et que les moyens ne sont pas donnés, s’il n’y a pas péréquation pour que, quel que soit l’endroit où on se trouve, il y ait la même qualité de service, ça va poser un problème. C’est au politique de prendre ses responsabilités.

Pourquoi le secteur de la petite enfance est-il en pénurie de personnels ?

La pénurie s’explique par plusieurs facteurs. On sait que 44% des assistantes maternelles vont partir à la retraite en 2030 donc c’est la moitié des effectifs. D’autre part, il n’y a pas eu de plan de formation ambitieux ces 15 dernières années. Et puis le développement assez fort ces dernières années, avec la libéralisation du secteur, des formes d’accueil collectif, fait qu’on a ouvert [des lieux] sur les territoires sans se soucier de savoir si derrière on allait avoir les professionnels diplômés et formés. C’est quelque chose qu’on pouvait anticiper, qui était prévisible, mais à chaque fois que les professionnels s’expriment pour expliquer qu’il va y avoir des difficultés – et ça fait plus de 15 ans qu’on alerte – on ne nous écoute pas. Il faut affirmer politiquement enfin que le sujet de la petite enfance est important pour les années à venir. Dire que ce que nous faisons au quotidien est un travail où il y a des compétences qui sont là, on ne s’improvise pas comme ça tout d’un coup éducateur de jeunes enfants ou professionnels accueillant des tous petits, ça demande de réelles compétences de savoir-faire, de savoir-être, notamment avec toutes les connaissances que l’on a aujourd’hui. C’est aussi le fait qu’il y a besoin d’une meilleure rémunération. Aujourd’hui, quand vous commencez dans le milieu, une auxiliaire de puériculture, c’est le Smic, un éducateur de jeunes enfants, c’est 1 400 euros net et s’il est en direction il va percevoir 1 600 ou 1 700 euros. On n’est pas devant du béton, on est face à de petits êtres humains, il y a besoin de compétences et de valorisation.

Qu’allez-vous dire au ministre des Solidarités ce jeudi ?

On va dire ce qu’on pense d’un service public de la petite enfance. Un service public qui doit être universel, pour tous, quel que soit l’endroit où on est sur le territoire parce que s’il y a bien une question importante dans la petite enfance, c’est celle de la territorialisation. Ce n’est pas la même chose si on est dans une grande agglomération ou si on est en milieu rural, par exemple. C’est la question du choix. Aujourd’hui, les familles n’ont souvent pas le choix de leur mode d’accueil. Selon la diversité de ce qui est sur leur territoire, elles n’ont pas forcément la possibilité de choisir et elles choisissent en fonction d’une question financière.

A terme, il va falloir que les modes d’accueil soient gratuits, comme l’est l’école maternelle, d’abord pour les familles en situation de pauvreté.

Julie Marty Pichon

à franceinfo

C’est la première chose à faire parce qu’on a trop d’enfants qui vivent sous le seuil de pauvreté en France, et qui ne bénéficient pas de mode d’accueil quel qu’il soit. Ce n’est pas seulement le mode d’accueil, c’est la question de la périnatalité, du congé maternité, du congé parental mieux rémunéré comme ça se fait pendant de longues années dans les pays scandinaves. C’est vraiment une question transversale et multiples qui ne concerne pas seulement les modes d’accueil et il va falloir aussi que les professionnels de la petite enfance soient valorisés, soient respectés, soient mieux rémunérés. Aujourd’hui, il manque 10 000 professionnels sur le secteur.

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