[Chronique] Macky, un président ne parle pas ainsi !

Jadis surnommé ‘’niangal’’ du fait d’un visage toujours renfrogné du temps où il était ministre et Premier ministre, Macky Sall avait essayé de travailler son image une fois devenu président de la République, et même un peu avant, entre les deux tours de la présidentielle de 2012. Mais depuis quelques mois, le chef de l’Etat sortant retrouve peu à peu ce qui semble être sa vraie nature.

Le Rubicon a visiblement été franchi à Fatick, vendredi 17 novembre, dernière étape d’une tournée dite économique. Sans le nommer, Macky Sall s’est défoulé sur Pierre Goudiaby Atépa. « J’ai vu des escrocs, des soi-disant cadres casamançais, qui écrivent au président. Moi, je ne vous réponds pas, je ne réponds pas à ces gens-là. D’abord, il n’y a aucun cadre réel, c’est un seul individu qui s’est permis d’écrire. Je ne reconnais pas ces soi-disant cadres », a pesté Macky Sall qui promettait de ne laisser personne plonger le pays dans le chaos, tant qu’il sera président.

Mettre en garde les fauteurs de trouble, soit ! Mais de là à qualifier d’escroc Pierre Goudiaby Atépa, il y a là un pas qu’il ne fallait pas franchir. Ici, on a envie de reprendre le titre d’un livre sur l’ancien président français, François Hollande : ‘’un président ne devrait pas dire ça…’’.

Cette sortie malheureuse a créé la polémique, parce qu’elle est simplement excessive. Au point d’être logée à la même enseigne que des déclarations mémorables de ses prédécesseurs. « Ce terme est ravageur…il restera dans la mémoire des Sénégalais comme la fameuse intervention de Diouf sur les jeunes à Thiès (jeunesse malsaine). Ou l’histoire de l’anthropophagie de Wade (à propos de Macky) », soutient un observateur de la scène politique.

En fait, Macky Sall donne l’impression de ne plus avoir la maîtrise de ses émotions. Il est en permanence dans une poussée de colère, et en public. Dans presque tous ses derniers discours, il s’en prend aux réseaux sociaux, alors que rien n’a été fait par son régime pour réguler ce secteur. Au contraire, c’est lui que les Sénégalais ont vu accorder une audience à un insulteur sur la toile.

En vérité, Macky Sall ne digère pas d’avoir toujours été battu dans la communication digitale. Il a beau essayer lui-même (jokko ak Macky), pousser ses partisans vers les réseaux sociaux, le résultat reste décevant. Les recrutements dans les rangs de l’opposition n’ont rien changé. Il a donc le sentiment de bien travailler, sans que ses hommes ne soient capables de vendre le produit sur le champ numérique. Ce sentiment crée une énorme frustration chez lui. « Si tu es incapable de communiquer sur tes réalisations, comment veux-tu qu’elles soient visibles », a-t-il lancé à ses partisans, le même jour, sur un ton et une gestuelle qui en disent long sur le ressenti.

Par ailleurs, Macky Sall multiplie ses diatribes contre une partie de l’opposition, Pastef en particulier. Mais pourquoi autant de rage ? S’agit-il là d’un président mécontent de quitter le pouvoir contre son gré. En effet, malgré tous les beaux discours sur sa renonciation, le rôle de la rue reste déterminant dans sa décision. Il donne ainsi l’air d’un président inassouvi.

Autre hypothèse : Macky Sall est-il en colère contre ses partisans qui l’ont lâché en refusant d’entériner son choix ? S’attendait-il à une autre posture de la part de Boun Dionne, Mame Boye Diao et Aly Ngouille Ndiaye… ?  

Peut-être que Macky Sall sent le pouvoir lui filer entre les doigts, sans qu’il ne soit capable de réagir. Les sorties au vitriol de Souleymane Jules Diop et Abdoulaye Bibi Baldé sont une autre forme de remise en cause de l’autorité de Macky Sall. Si Amadou Ba n’est pas à la hauteur, c’est que le choix de Macky Sall n’est pas bon. C’est donc lui le responsable pointé du doigt.

Quoi qu’il en soit, Macky Sall devrait revoir son discours d’ici la fin de son mandat. Ses sorties martiales ont été suffisamment entendues. Le président est attendu sur les priorités des Sénégalais. Ces priorités ont pour noms : immigration clandestine, emploi des jeunes, éducation et formation, pouvoir d’achat, etc.

En parlant de pouvoir d’achat, justement, les paysans ont presque fini de récolter les champs. Le kilogramme d’arachide s’échange sur le marché entre 200 et 250 f dans la région de Kaffrine. Pendant ce temps, l’Etat n’a toujours pas fixé le prix du kilogramme, encore moins installé le dispositif de collecte des graines, laissant ainsi les paysans à la merci des commerçants et autres spéculateurs. Macky Sall ne peut d’ailleurs ignorer cette triste réalité pour avoir fait l’étape de Kaffrine, jeudi.

Les paysans auraient certainement apprécié un discours guerrier sur la nécessité de fixer très tôt (octobre) le prix du kilogramme d’arachide. Ça leur aurait donné le sentiment qu’il y a au moins  encore un président qui se soucie de l’économie et du sort des couches vulnérables.

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