Attaque à Paris contre des Kurdes : le suspect mis en examen et placé en détention provisoire

Que s’est-il passé le 23 décembre rue d’Enghien ?

Peu avant midi, un homme a ouvert le feu près du centre culturel kurde Ahmet-Kaya situé au 16 de la rue d’Enghien, dans un quartier animé du Xe arrondissement de Paris, prisé des communautés turques et kurdes. Une femme et deux hommes sont morts. Selon le dernier bilan, un homme est toujours sérieusement blessé, deux autres le sont aussi mais moins grièvement. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est rendu sur place dans l’après-midi. Il a précisé que deux des victimes ont été tuées devant le centre culturel kurde. Le troisième a été tué dans un restaurant kurde proche où il tentait de se dissimuler après avoir été poursuivi par l’assaillant présumé.

Légèrement blessé au visage, ce dernier a été interpellé après avoir été maîtrisé par plusieurs personnes dans un salon de coiffure à proximité. Une «mallette» contenant «deux ou trois chargeurs approvisionnés, une boîte de cartouches calibre 45 avec au moins 25 cartouches à l’intérieur», a été découverte près de lui selon une source proche du dossier. L’arme utilisée est un «Colt 45 de 1911» de l’armée américaine «d’apparence usée». Il a été, depuis, placé en garde à vue. L’enquête ouverte pour «assassinat», «tentative d’assassinat», «violences volontaires avec armes» et «infraction à la législation sur les armes» a été confiée à la Direction régionale de la police judiciaire (DRPJ), a indiqué la procureure de Paris, Laure Beccuau, venue sur place peu après les faits.

Quel est le profil du tireur présumé ?

Le tireur présumé, W. M., 69 ans, a revendiqué le caractère «raciste» de son geste dès son interpellation, selon des sources policières et a reconnu en garde à vue une «haine des étrangers devenue complètement pathologique» a indiqué dimanche le parquet. Voulant d’abord tuer des étrangers à Saint-Denis, il a «renoncé finalement à passer à l’acte, compte du peu de monde présent et en raison de sa tenue vestimentaire l’empêchant de recharger son arme facilement». Pendant la garde à vue, il s’est décrit comme «dépressif» et «suicidaire», précisant avoir «toujours eu envie d’assassiner des migrants, des étrangers» depuis un cambriolage à son domicile en 2016. «Indiquant en vouloir “à tous les migrants”, il explique s’en être pris à des victimes qu’il ne connaissait pas, précisant en vouloir aux Kurdes pour avoir “constitué des prisonniers lors de leur combat contre Daech au lieu de les tuer.”»

Conducteur de train retraité, de nationalité française, il est connu de la justice pour trois affaires. En 2017, le tribunal judiciaire de Bobigny le condamne une première fois à six mois de prison avec sursis et à une interdiction de détenir une arme pendant cinq ans pour des faits de détention d’armes prohibées. Il est à nouveau condamné le 30 juin 2022 à douze mois de prison pour des faits de violences avec arme commis en 2016, condamnation dont il a fait appel, selon le communiqué du parquet.

Enfin, il est mis en examen depuis décembre 2021 pour violences avec armes, avec préméditation et à caractère racistes et dégradation, pour des faits commis le 8 décembre 2021 : il est soupçonné d’avoir blessé à l’arme blanche des migrants d’un campement du XIIe arrondissement de Paris et d’avoir lacéré leurs tentes, avait relaté à l’époque une source policière. Selon l’association Utopia 56, qui s’était exprimée ce jour-là, l’homme aurait «commencé à lacérer des tentes et s’en serait suivi une bagarre avec des exilés». Alors placé en détention provisoire, il est libéré sous contrôle judiciaire le 12 décembre, «au terme du délai maximal de détention provisoire d’un an prévu par la loi» pour les personnes suspectées d’avoir commis un délit, indique le parquet. Sa libération s’était accompagnée d’une interdiction d’entrer en contact avec les victimes et de détenir une arme, et lui imposant des soins psychiatriques.

Qui sont les victimes ?

Deux hommes et une femme ont été tués dans l’attaque. Cette dernière s’appelait Emine Kara. Elle était une responsable du Mouvement des femmes kurdes en France, selon le Conseil démocratique kurde en France (CDK-F). Elle avait fait une demande d’asile politique «rejetée par les autorités françaises», a précisé vendredi devant la presse le porte-parole du mouvement, Agit Polat. Les deux hommes décédés sont Abdulrahman Kizil, «un citoyen kurde ordinaire», habitué du centre culturel, et Mir Perwer, un chanteur kurde reconnu comme réfugié politique et «poursuivi en Turquie pour son art», selon le CDK-F. Une source policière a confirmé les identités d’Emine Kara et Abdulrahman Kizil.

La piste d’un attentat terroriste est écartée à ce stade des investigations, ce qui suscite l’incompréhension et la colère du CDK-F. «Le fait que nos associations soient prises pour cible relève d’un caractère terroriste et politique», a déclaré Agit Polat après une rencontre samedi avec le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez. «Nul doute pour nous que ce sont des assassinats politiques», a-t-il ajouté. Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a indiqué qu’il recevrait ce samedi après-midi à 16 heures, des représentants de la communauté kurde, selon les informations de BFM TV, afin d’exprimer sa solidarité. A la fin de cette rencontre, la garde des Sceaux est revenu expliciter l’absence de saisine du parquet : «J’ai tenu à rappeler la différence entre crime raciste et un acte terroriste : la différence c’est l’adhésion ou pas à une idéologie politique revendiquée.»

Où en est l’enquête ?

Samedi soir, le parquet a annoncé la levée de la garde à vue du suspect, qui a été aussitôt hospitalisé à l’infirmerie psychiatrique de la police. «Le médecin qui a examiné le mis en cause ce jour en fin d’après-midi a déclaré que l’état de santé de l’intéressé n’était pas compatible avec la mesure de garde à vue, a précisé le parquet. La mesure de garde à vue a donc été levée dans l’attente de sa présentation devant un juge d’instruction lorsque son état de santé le permettra.» Sorti de l’infirmerie dimanche soir, sa garde à vue a été levée lundi en fin de matinée. Il a été présenté à un juge d’instruction, mis en examen et placé en détention provisoire lundi dans la soirée.

Le parquet avait annoncé samedi midi la prolongation de la garde à vue du suspect. Le mobile raciste est retenu par l’enquête. Le suspect a voulu «manifestement s’en prendre à des étrangers», a affirmé la veille Gérald Darmanin, précisant qu’«il n’est pas sûr que le tueur qui a voulu assassiner ces personnes […] l’ait fait spécifiquement pour les Kurdes». Il est inconnu des fichiers du renseignement territorial et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Gérald Darmanin a indiqué également ne pas disposer d’informations qui permettraient de le relier à l’ultradroite. Le suspect «était tireur dans un club de sport et avait déclaré de nombreuses armes», a aussi dit le ministre.

Mis à jour le 24/12 à 14 h 38 avec l’annonce de la réception des représentants de la communauté kurde par Eric Dupond-Moretti puis à 16 h 30 avec les éléments du parquet puis à 19 h 30 avec les déclarations du garde des Sceaux puis à 19 h 58 avec l’annonce de la levée de la garde à vue du suspect.

Mis à jour le 25/12 à 12 h 02 avec les déclarations du suspect sur sa haine des étrangers et son projet initial de tuer des étrangers à Saint-Denis puis à 18 h 38 après l’annonce de son retour en garde à vue et l’exposé de son mobile.


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