
Afrique du Sud : le président Ramaphosa, fragilisé, reste à la tête de l’ANC
Menacé de destitution il y a une semaine, le chef d’Etat entame une fin de mandat incertaine.
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Pour la deuxième fois en moins de dix jours, Cyril Ramaphosa a sauvé sa peau. Lundi 19 décembre, le président sud-africain a été réélu à la tête de son parti avec 56 % des voix. Un score qui assure, pour le moment, son maintien à la présidence de l’Afrique du Sud. Pour le moment, car celui qui s’est fait le champion de la lutte contre la corruption entame une fin de mandat incertaine, sur fond de scandale et alors que le pays s’enfonce dans une crise sans précédent.
En écho à la situation désastreuse de l’Afrique du Sud, la 55e conférence nationale de l’ANC s’est ouverte vendredi 16 décembre, avec l’annonce d’une nouvelle vague massive de coupures de courant plongeant le pays dans le noir dix heures par jour. Avec sept heures de retard, le président Ramaphosa entamait son discours inaugural, sous les huées d’un petit groupe de supporteurs opposés à sa réélection à la tête du parti. Le chef de l’Etat a livré son adresse à quelques mètres d’un garde cramponné à une couverture balistique, le signe de la tension qui régnait autour de l’événement.
Organisé tous les cinq ans, le congrès de la formation qui dirige l’Afrique du Sud depuis l’élection de Nelson Mandela en 1994 est capable de « faire et de défaire des présidences », selon l’analyste politique Richard Calland. Le « top 6 » du parti, qui rassemble ses principaux dirigeants, est considéré comme l’antichambre du pouvoir. En 2017, l’élection de Cyril Ramaphosa à la tête du parti avait signé la fin du règne de Jacob Zuma, après des années de corruption massive.
Plus populaire que l’ANC
Cinq ans plus tard, le président était candidat à sa réélection sous une bannière plaidant « l’unité à travers le renouveau ». Il n’a obtenu ni l’une ni l’autre, au terme d’un congrès bien plus agité que prévu. Menacé par une procédure de destitution il y a encore une semaine, le président abordait pourtant le scrutin en favori. Salué pour sa gestion de la pandémie de Covid-19, Cyril Ramaphosa a entamé un grand ménage au sein d’institutions vidées de leur substance sous le mandat de son prédécesseur, Jacob Zuma.
Le bureau d’enquêtes chargé des affaires de corruption, en particulier, multiplie les mises en examen ces derniers mois. Mais la tâche à accomplir pour redresser l’Afrique du Sud est immense. Alors que l’ANC ouvrait son congrès, le gouvernement annonçait le déploiement de l’armée autour des centrales de la compagnie d’électricité publique Eskom, afin de les protéger d’actes de sabotage.
Qui en veut à Eskom, la compagnie publique d’électricité en Afrique du Sud ?
Fort de son image de « bon gars » qui tente de réparer les dégâts causés par ses prédécesseurs, Cyril Ramaphosa est nettement plus populaire que le parti qu’il représente. Il passe pour le meilleur atout de l’ANC, dont les résultats dans les urnes se sont effondrés ces dernières années. Face à lui dans la course à la présidence de l’ANC, l’ancien ministre de la santé Zweli Mkhize, écarté du gouvernement après un scandale lié à la lutte contre la pandémie en août 2021, a eu du mal à rassembler des soutiens.
Depuis plusieurs semaines pourtant, le chef de l’Etat sud-africain est à la peine. Accusé d’avoir passé sous silence le vol d’au moins 580 000 dollars – une somme dissimulée dans le canapé d’une de ses fermes qui a été cambriolée –, Cyril Ramaphosa a dû composer, fin novembre, avec le rapport d’un panel de juristes qui ouvrait la voie à une enquête parlementaire en vue d’une éventuelle destitution. Bien que les accusations émanent d’un proche de Jacob Zuma, laissant peu de doutes sur la nature politique de l’attaque, l’affaire pose de réelles questions sur l’origine de l’argent dérobé.
Un obscur cambriolage pourrait contraindre le président sud-africain à la démission
Vice-président stratège
Après avoir sérieusement envisagé de démissionner, le président a finalement obtenu le soutien de son parti devant le Parlement. La menace de destitution écartée, il est sorti paradoxalement renforcé de cette séquence aux yeux de l’ANC. « Il a montré de la force et ce parti répond à la force », analyse Richard Calland. « Avec tout ce qui a été volé dans ce pays, on veut lui faire des ennuis parce qu’il s’est fait voler chez lui ? Mettre de l’argent dans un canapé, c’est normal chez nous, ce n’est pas un crime », défendaient ainsi deux membres du parti, en marge du congrès, dimanche 18 décembre.
A quelques heures du vote, pourtant, ces certitudes ont volé en éclats. Débordé par les nombreux soutiens qui s’étaient démenés pour assurer sa défense, le président Ramaphosa n’a pu accommoder les ambitions de tous ceux qui souhaitaient accéder au « top 6 », devenu cette année le « top 7 ». Déçus, certains alliés ont rejoint le camp de Zweli Mkhize, qui rassemble pourtant des candidatures sulfureuses, à l’opposé du « renouveau » porté par Cyril Ramaphosa. A l’approche du scrutin, par le jeu des alliances, les deux hommes forts étaient donnés au coude-à-coude.
Afrique du Sud : les coupures d’électricité, un cauchemar pour les entreprises
Cyril Ramaphosa a conservé finalement sa place, avec une majorité plus large qu’en 2017. Autour de lui aux postes-clés de l’ANC, il dispose d’alliés qui pourraient lui permettre de mener une politique de réforme plus musclée. Mais il devra composer avec un vice-président stratège, Paul Mashatile. Soutien décisif de Cyril Ramaphosa en 2017, le nouveau vice-président a arraché sa place en faisant cavalier seul face au camp présidentiel.
Décisif dans la bataille politique qui s’est jouée en coulisses, le ministre de l’énergie pro-charbon, Gwede Mantashe, réélu au poste de responsable national, pourrait de son côté se révéler un allié encombrant pour le président Ramaphosa, qui a misé sur la transition vers les énergies renouvelables.
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