À rebrousse-poil : Docteur Guy et M. Marius (Par Adama Ndiaye)
À la fin de sa pièce “Les Comédiens”, Graham Greene met en scène un curé de la Républicaine dominicaine et un docteur communiste qui s’appelle, Maggio. Les deux personnages comparent la violence à l’indifférence. Et le petit curé dit : “La violence peut être une forme d’amour. Ça peut être un visage indigné de l’amour. La violence est une imperfection de la charité mais l’indifférence, c’est la perfection de l’égoïsme”. Quant au communiste, il lui rétorque : “J’aimerai mieux avoir du sang sur les mains, que de l’eau sur la cuvette de Ponce Pilate”.
Qu’aurait répondu Guy Marius Sagna, s’il avait été au cœur de ce dialogue ?
Une chose est certaine, le député n’est pas indifférent. Et cela l’honore. L’homme qui avait fondé, en son temps, le mouvement “Wade dégage” a l’engagement chevillé au corps. Un indigné qui donne de sa personne et de son corps pour les nombreuses causes qui lui tiennent à cœur. En ce sens, Guy sorte d’ami du peuple, est dans la pure tradition socialiste, pas celle en vogue à la Maison du parti de Colobane, mais celle qui renoue avec la vieille critique radicale du mode de production capitaliste ; celle qui met à l’honneur, pour caricaturer, la veuve et l’orphelin, et qui se bat pour les petites gens, les oubliés, ces travailleurs malmenés par des entreprises, parfois, sans foi et loi. À longueur de déplacements dans des hôpitaux où le personnel manque de tout, dans des industries où les ouvriers vivent dans la précarité et sous l’épée de Damoclès d’un licenciement abusif, Guy met la question sociale au centre du jeu. Et il est rafraîchissant et heureux pour la démocratie sénégalaise de voir une telle sensibilité pouvoir s’exprimer à l’Assemblée nationale. À ce titre, sa récente décision de se priver des bons de carburant fournis par l’Assemblée au motif que cela enrichit plus les multinationales étrangères que les compagnies nationales, au-delà du coup d’éclat, remet sur la table le débat sur le patriotisme, notamment économique.
Mais le problème avec Marius, c’est que sa défense des intérêts nationaux, son patriotisme, peuvent certaines fois le conduire au nationalisme le plus étroit et le pousser à prendre des positions, non seulement ridicules, mais surtout inélégantes. Ainsi lors du décès de la Reine d’Angleterre, Elizabeth II, il a ironisé sur la “préférence toubab” de Macky Sall, lorsque celui-ci a présenté ses condoléances au peuple britannique. « Macky ! Tout ce qui est bon dans notre pays, tu donnes aux toubabs. Même tes condoléances ! Cëy ! Imam Ndao, repose en paix!”, ironisait-il, mettant en exergue le fait que le chef de l’État n’ait pas présenté des condoléances publiques à la famille du défunt Imam Ndao. En épinglant ainsi le chef de l’État, Marius confesse son insensibilité à la disparition de la reine, et à la tristesse de millions d’Anglais et de citoyens du Commonwealth, comme si ceux-ci n’étaient pas ses frères en humanité. Au fond c’est la véritable limite du fondateur du mouvement Frapp/France Dégage : son manque de nuance, son réflexe pavlovien de voir la main de la France ou de l’occident dans tous les malheurs du continent comme pour nous absoudre de nos propres turpitudes, son dogmatisme, et parfois sa facilité à céder l’opportunisme démagogique. Comme lorsqu’il s’est joint à Cheikh Oumar Diagne et cie dans leur croisade en 2018 contre la venue de la chanteuse Rihanna au Sénégal. “ Rihanna ne s’en cache pas : elle fait partie des Illuminati, qui est une branche de la franc-maçonnerie. Son voyage a été orchestré en complicité avec le gouvernement pour dérouler un programme éducatif qui vise à faire des futures générations de fidèles disciples de Satan”, disait à l’époque Diagne.
On a du mal à penser que Guy puisse croire à de telles sottises. Mais Marius, qui sait…